Page:Trigault - Lettre du R P Trigaut escrite a ceux de la mesme Compagnie, 1609.djvu/16

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conſeruaſmes le noſtres. Ceſte nuict fuſt ſi eſtrange & ſi eſpouuentable pour les grãdes pluyes, les coups eſclatans du tonnerre, & les eſclairs qui bluettoient en l’air, que vous euſſiez dict à voir vne repreſentation de l’enfer, tant triſte & effroyable eſtoit ce ſpectacle. Mais Dieu vouluſt que ces vẽts enragez nous dõnoient en pouppe, ſi bien qu’auec vne ſeule petite voile nous fiſmes en peu d’heures vn grand chemin. En ceſte tempeſte la nauire de S. François demeura derriere, ſans que perſonne s’en apperceuſt jamais, à cauſe des eſpaiſſes tenebres de la nuict, pour auoir perdu ſa grãde voile, de ſorte que nõ ne la viſmes de tout le jour ſuiuant : & apres auoir arreſté trois jours ſans qu’elle compareuſt, nous cinglaſmes droict au Moſambic, eſtimans qu’elle auroit donné deuant. Ie raconteray plus bas ce qui luy aduint du deſpuis. Apres que vous aués paſſé le cap, il y a deux chemins pour ceux qui tirent au Moſambic, l’vn à gauche, non pas fort loing du riuage d’Afrique, & celuy là eſt plus difficile à tenir, & le plus dangereux à cauſe des torrents & cruës d’eau qui emportent les nauires ſans y pẽſer en de tres-profonds precipices. L’autre chemin eſt plus long, mais plus aſſeuré vers l’iſle de S. Lau-