Page:Trigault - Lettre du R P Trigaut escrite a ceux de la mesme Compagnie, 1609.djvu/15

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pour (ſans jamais faillir) ſaluër les paſsãs : auſſi les mariniers apres auoir jetté la ſõde en l’eau (quand ils les voyent) dreſſent la voile vers l’Orient. I’auois autre-fois leu pluſieurs choſes des grandes froidures de ce cap, mais à ce que ie voy les Portugais fort impatiens à endurer le froid, ont bien adjouſté à la lettre, cõme l’on dict, car le plus grand n’excede pas celuy que vous endurés aux matinées de Mars & de Septembre. I’eſtoy en ce lieu là en mon element, recompenſant les nuicts & le ſommeil que les grandes & cruelles chaleurs de l’Equinoxe m’auoient deſrobé. Le ſecond ſigne de ce Promontoire eſt, que l’aiguille du Quadran, qui parauãt forlignoit peu ou prou du Nort, aupres du cap s’arreſtoit directemẽt ſur le Pole. A pres qu’on a doublé le cap on rencontre vn païs, lequel pour vn froid continuel qu’il y faict, on appelle la terre de Noël. Elle eſt deſcriée à raiſon des furieuſes tempeſtes qui s’y font ſentir à bon eſcient à tous les paſſans. Nous en euſmes noſtre bonne part, car en vne belle nuict l’orage s’eſleua ſi ſoudain & ſi fort, qu’à peine euſmes nous le loiſir de caler nos voiles : & celles des autres nauires furent ſurpriſes & rompues par lambeaux par la violence des vents : là où nous