Page:Trigault - Lettre du R P Trigaut escrite a ceux de la mesme Compagnie, 1609.djvu/94

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aueugle qu’il eſtoit : Car il s’en alloit en l’Egliſe, annonçoit les feſtes, expliquoit le Catechiſme, chãtoit les oraiſons, & faiſoit autres choſes ſemblables. En ces meſmes lettres, eſt raconté vn beau miracle d’vn Chreſtien, qui ne s’eſtoit iamais bien peu perſuader durant ſa vie, que noſtre ame eſtoit immortelle. Or apres ſa mort, ou luy meſme, ou biẽ le diable par la permiſſion diuine, entra dans le corps d’vne ſienne bru, où en quelques heures il fit & dit merueilles, en preſence de beaucoup de perſonnes, des peines d’enfer, de la griefuete de ſon peché, pour lequel il ſe diſoit damné & debuoir eſtre tormenté eternellement. L’eſtat du Royaume quant au temporel eſt tel. Quahacondono (lequel du depuis on appella Taico ou Taicoſama) mourant, laiſſa vn ſeul fils en l’aage, ſi bien me ſouuient, de 5. ans, nommant des Regens & tuteurs de ſon heritier & de tout le Royaume. L’vn deſquels ſoubs pretexte que l’enfant eſtoit petit, faiſant ſemblant d’adminiſtrer le Royaume pendant la minorité de ſon pupil, auquel il vouloit dõner vne ſienne fille en mariage, s’empara tout à fait du Royaume. Car le nom, la dignité & puiſſance royalle, luy ſembla ſi douce, & de ſi bon gouſt, qu’il aima mieux laiſſer le Royaume