Page:Trollope - Le Cousin Henry.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la position que M. Owen m’offrira peut-être de nouveau.

— Sans doute, il vous l’offrira encore.

— Qu’on lui dise alors qu’aucune considération ne me fera l’accepter.

— C’est de la folie ; vous mourez d’amour l’un pour l’autre.

— Eh bien, nous mourrons. Mais je ne crois pas d’ailleurs que l’on meure d’amour aujourd’hui. Si nous nous aimons, nous aurons à nous passer l’un de l’autre, comme il faut apprendre à se passer de la plupart des choses que l’on désire.

— Je n’ai jamais vu semblable déraison, semblable perversité ! Voilà de l’argent qui est à vous, pourquoi ne pas le prendre ?

— Je puis vous dire, ma mère, » dit-elle, en prononçant avec gravité ce nom qu’elle donnait rarement à sa belle-mère. « pourquoi je ne prendrai pas M. Owen pour mari ; mais je ne puis vous dire pourquoi je ne puis prendre l’argent de mon cousin. Je peux seulement vous assurer que je ne le ferai pas, et que je n’épouserai jamais un homme qui accepterait cet argent.

— Encore une fois, c’est de la perversité ; vous vous conduisez méchamment à l’égard de votre père.

— J’ai tout dit à papa. Il sait que je n’aurai pas cet argent.

— Voulez-vous dire alors que vous entrerez dans cette maison comme une charge de plus, comme un fardeau sur les épaules de votre pauvre père, quand vous pourriez au contraire le soulager ? Ne savez-vous pas combien il est gêné, et qu’il a à pourvoir à l’éducation de vos frères ? » Isabel restait silencieuse, les yeux fixés sur le plancher, et sa belle-mère continuait, sans se douter du peu d’impression que pro-