Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/105

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surer la subsistance de la capitale. Ses mesures furent aussi énergiques que la conduite du roi avait été faible.

Le jour de l’émeute, le Parlement avait fait afficher dans Paris un arrêté qui défendait les attroupements, mais qui portait que le roi serait supplié de diminuer le prix du pain. Le ministre chargea aussitôt l’autorité militaire de placarder cet arrêté d’une ordonnance qui interdisait d’exiger le pain au-dessous du cours. Toutes les boutiques de boulangers furent protégées par des factionnaires, et un négociant, nommé Planter, reçut sur-le-champ 50,000 livres pour la valeur d’un bateau de blé dont les séditieux avaient jeté le chargement à la rivière.

Le lieutenant de police Lenoir, qui avait pactisé avec l’émeute, fut destitué dans la nuit même du 3 mai, et remplacé le lendemain par l’économiste Albert.

Le Parlement voulait connaître des troubles ; Turgot le fit mander à Versailles, et le força, dans un lit de justice tenu le 5, d’enregistrer une proclamation du roi, qui attribuait la répression de la révolte, conformément aux lois en vigueur, à la juridiction prévôtale.

En même temps, soutenu par Malesherbes[1] et le vieux maréchal du Muy, il obtenait de Louis XVI un blanc-seing qui plaçait l’autorité militaire sous ses ordres et lui permettait de porter les derniers coups à l’émeute. Une armée de 25,000 hommes, à la tête de laquelle était le maréchal de Biron, poursuivit les fuyards dans tous les sens, et resta campée le long de la Seine, de l’Oise, de la Marne et de l’Aisne, jusqu’à ce que les arrivages de grains eussent repris leur cours ordinaire, et que la tranquillité publique fut entièrement rétablie[2].

Le mouvement insurrectionnel du 3 mai, qui avait éclaté le

  1. Malesherbes avait, depuis le mois de juillet 1773, remplacé le duc de La Vrillière au département de la maison du roi.
  2. Aux détails qui précèdent, sur cette sédition qu’on appela la guerre des farines, Soulavie ajoute les suivants : « Les troupes du roi allant délivrer, sur le chemin de Versailles, deux mousquetaires arrêtés par les mutins, il y eut un combat à coups de fusil d’un côté, et de l’autre de pierres, où vingt-trois paysans attroupés furent tués. On trouva un révolutionnaire ayant un cordon bleu, qui