Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/106

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même jour à Amiens, à Auxerre et à Lille, donna, contre l’administration de Turgot, le signal d’attaques qui devinrent graduellement plus violentes et plus nombreuses. Alors commencèrent les calomnies intéressées de tous ceux qui n’avaient pas reçu du ministre les faveurs qu’ils espéraient en obtenir, et de tous ceux dont la position avait été dérangée par la réforme des abus, ou qui redoutaient un pareil sort.

On reprocha au contrôleur-général d’avoir produit la famine qui n’existait pas, en permettant la sortie des blés du royaume par l’arrêt du 13 septembre 1774, quoique cet arrêt n’eût autorisé que la libre circulation à l’intérieur. Mais l’on se garda bien de dire que, sachant plier ses principes à la nécessité des circonstances, il y avait dérogé jusqu’au point d’accorder des primes à l’importation[1]. On dissimula encore qu’il n’avait rien négligé pour que les classes pauvres se ressentissent le moins possible de la cherté des subsistances, en organisant des ateliers de charité dans les villes et dans les campagnes, et en multipliant partout les travaux publics en raison des ressources de l’État et des provinces. La justice prévôtale avait fait pendre deux individus, inculpés d’avoir joué un grand rôle dans le soulèvement du 3 mai. Les mêmes hommes qui ne trouvaient pas le supplice de la roue trop dur pour les délits de contrebande, affectèrent une sensibilité extrême sur le sort de ces coupables, et imputèrent à Turgot de verser le sang humain pour le triomphe de ses doctrines. On porta jusqu’aux

    motionnait le peuple des campagnes, étendu sur le carreau. » (Tome II, page 293 de l’ouvrage cité.)

    L’histoire du cordon bleu ne nous paraît ni vraie, ni vraisemblable.

    Les Parisiens ne purent, à propos de ces événements, se refuser contre Biron et Turgot, l’épigramme suivante :

    Biron, tes glorieux travaux,
    En dépit des cabales,
    Te font passer pour un héros,
    Sous les piliers des halles.
    De rue en rue, au petit trot,
    Tu chasses la famine ;
    Général digne de Turgot,
    Tu n’es qu’un Jean-Farine.

  1. Arr. du Com. du 25 avril 1775, II, p. 185.