Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

denrées nécessaires à la nourriture du peuple dans la capitale[1]. Il institua encore à Isatis une commission permanente de médecins, dans le but de prévenir ou d’atténuer les ravages des maladives pestilentielles sur les hommes et les animaux, et de porter des secours immédiats aux provinces qui en seraient frappées. Elle devait recueillir et centraliser toutes les observations relatives à l’hygiène publique, et elle a été le germe de l’Académie royale de médecine. Il y favorisa également l’établissement d’une caisse d’escompte, qui offrait au gouvernement dix millions à 4 pour 100, et qui s’engageait, par ses statuts, à prendre le papier du commerce au même taux. Mais Turgot, fidèle à ses principes, ne voulut pas concéder de privilège exclusif à cette banque.

Ces divers actes furent les derniers d’un des plus grands, du plus grand peut-être des hommes qui aient été appelés, en France, au gouvernement de l’État. Le soulèvement contre l’administration de Turgot était devenu général, dans toutes les classes du moins qui exercent quelque influence sur les affaires publiques, dès que l’on avait su qu’il allait ajouter à toutes ses réformes celle de l’abolition de la corvée et des maîtrises. Au mécontentement du clergé, de la noblesse, de la magistrature, des hautes classes de la société, en un mot, vinrent se joindre les clameurs des gens tenant boutiques et magasins, dont la vanité se révoltait devoir investir leurs apprentis, leurs compagnons, tous les salariés sous leurs ordres, des mêmes droits qu’eux-mêmes, et dont la cupidité ne pouvait comprendre qu’il n’y eût que justice à détruire les monopoles dont jusqu’alors on les avait laissés tranquillement en possession. Tous prétendirent qu’on attentait à leur propriété, et publièrent de longs factums où ils montraient la ruine de l’industrie, l’anéantissement du commerce, comme les résultats nécessaires et immédiats du système de la libre concurrence. Avec une bonne foi plus ou moins réelle, Sartine lui-même s’alarmait à cet égard, et insinuait que Turgot sacrifiait nos

  1. C’est dans ces quatre édits qu’il faut s’instruire des déplorables effets du régime réglementaire ; et cependant ils sont loin d’en retracer tous les abus !