Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/156

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taine quantité de blé de pareille valeur qu’un autre homme qui a une pièce de vin, le vin étant sujet à une infinité d’accidents qui peuvent en un instant lui faire perdre tout son prix.

§ XLI. — Toute marchandise a les deux propriétés essentielles de la monnaie, de mesurer et de représenter toute valeur ; et, dans ce sens, toute marchandise est monnaie.

Ces deux propriétés de servir de commune mesure de toutes les valeurs, et d’être un gage représentatif de toute marchandise de pareille valeur, renferment tout ce qui constitue l’essence et l’utilité de ce qu’on appelle monnaie, et il suit des détails dans lesquels je viens d’entrer que toutes les marchandises sont à quelques égards monnaie et participent à ces deux propriétés essentielles plus ou moins à raison de leur nature particulière. — Toutes sont plus ou moins propres à servir de commune mesure à raison de ce qu’elles sont d’un usage plus général, d’une qualité plus semblable, et plus faciles à se diviser en parties d’une valeur égale. — Toutes sont plus ou moins propres à être un gage universel des échanges, à raison de ce qu’elles sont moins susceptibles de déchet et d’altération dans leur quantité ou dans leur qualité.

§ XLII. — Réciproquement, toute monnaie est essentiellement marchandise.

On ne peut prendre pour commune mesure des valeurs que ce qui a une valeur, ce qui est reçu dans le commerce en échange des autres valeurs, et il n’y a de gage universellement représentatif d’une valeur qu’une autre valeur égale. — Une monnaie de pure convention est donc une chose impossible.

§ XLIII. — Différentes matières ont pu servir ou ont servi de monnaie usuelle.

Plusieurs nations ont adopté dans leur langage et dans leur commerce, pour commune mesure de valeurs, différentes matières plus moins précieuses ; il y a encore aujourd’hui quelques peuples barbares qui se servent d’une espèce de petits coquillages appelés cauris, qui servent à faire des bracelets et des colliers pour la parure de leurs femmes. Je me souviens d’avoir vu au collège des noyaux d’abricots échangés et troqués comme une espèce de monnaie entre les écoliers, qui s’en servaient pour jouer à différents jeux. — J’ai déjà parlé de l’évaluation par tête de bétail. On en trouve des vestiges dans les lois des anciennes nations germaniques qui détrui-