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sirent l’empire romain. Les premiers Romains, ou du moins les Latins leurs ancêtres, s’en étaient aussi servis. On prétend que les premières monnaies qu’on frappa en cuivre représentaient la valeur d’un mouton et portaient l’empreinte de cet animal, et que c’est de là qu’est venu le mot pecunia, de pecus. Cette conjecture a beaucoup de vraisemblance.

§ XLIV. — Les métaux, et surtout l’or et l’argent, y sont plus propres qu’aucune autre substance, et pourquoi.

Nous voici arrivés à l’introduction des métaux précieux dans le commerce. Tous les métaux, à mesure qu’ils ont été découverts, ont été admis dans les échanges à raison de leur utilité réelle : leur brillant les a fait rechercher pour servir de parure ; leur ductilité et leur solidité les ont rendus propres à faire des vases plus durables et plus légers que ceux d’argile. Mais ces substances ne purent entrer dans le commerce sans devenir presque aussitôt la monnaie universelle. Un morceau de quelque métal que ce soit a exactement les mêmes qualités qu’un autre morceau du même métal, pourvu qu’il soit également pur. Or, la facilité qu’on a de séparer, par différentes opérations de chimie, un métal des autres métaux avec lesquels il serait allié, fait qu’on peut toujours les réduire au degré de pureté ou, comme on s’exprime, au titre qu’on veut ; alors la valeur du métal ne peut plus différer que par son poids. En exprimant la valeur de chaque marchandise par le poids du métal qu’on donne en échange, on aura donc l’expression de toutes les valeurs la plus claire, la plus commode et la plus susceptible de précision, et dès lors il est impossible que dans l’usage on ne la préfère pas à toute autre. Les métaux ne sont pas moins propres à devenir le gage universel de toutes les valeurs qu’ils peuvent mesurer ; comme ils sont susceptibles de toutes les divisions imaginables, il n’y a aucun objet dans le commerce dont la valeur, petite ou grande, ne puisse être exactement payée par une certaine quantité de métal. À cet avantage de se prêter à toutes sortes de divisions, ils joignent celui d’être inaltérables, et ceux qui sont rares, comme l’argent et l’or, ont une très-grande valeur sous un poids et un volume très-peu considérable.

Ces deux métaux sont donc de toutes les marchandises les plus faciles à vérifier pour leur qualité, à diviser pour leur quantité, à conserver éternellement sans altération, et à transporter en tous