Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/276

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lieu que vis-à-vis des négociants reconnus pour bons et solvables ; toutes les fois que le risque augmente, l’intérêt augmente aussi, sans qu’on ait aucun reproche à l’aire au prêteur. Ainsi, quand même il serait vrai que le taux de l’intérêt fût à Angoulême, suivant le cours de la place, à 6 pour 100, il ne s’ensuivrait nullement que ceux auxquels on aurait prêté à 9 et à 10 pour 100 eussent à se plaindre. Quand il serait vrai que le taux de l’intérêt dans le commerce fût, dans les principales places du royaume, établi sur le pied de 6 pour 100, il ne s’ensuivrait nullement que ce cours fût établi à Angoulême ; et, dans le fait, il est notoire que, depuis environ quarante ans, il a presque toujours roulé de 8 à 10 pour 100. J’ai suffisamment expliqué, dans le commencement de ce Mémoire, les raisons de ce haut intérêt, et j’ai montré qu’elles étaient fondées sur la nature même du commerce de cette ville.

XLVI. — Motifs qui doivent porter à évoquer cette affaire.

Malheureusement les officiers du sénéchal, en recevant des dénonciations, ont prouvé qu’ils n’adoptent point les principes que je viens de développer, et que la vraie jurisprudence sur le prêt en matière de commerce leur est moins connue que la rigueur des lois anciennes. Il y a donc tout lieu de craindre que le jugement qui interviendra ne soit dicté par cet esprit de rigueur, et que le triomphe de la cabale des dénonciateurs étant complet, le trouble qu’ils ont occasionné dans les fortunes et dans le commerce ne soit encore augmenté.

XLVII. — Motifs qui doivent détourner d’en attribuer la connaissance à l’intendant.

Dans ces circonstances, il semblerait nécessaire d’ôter à ce tribunal la connaissance d’une affaire sur laquelle on peut croire qu’il cède à des préventions, puisque sans ces préventions l’affaire n’aurait aucune existence ; c’est par ce motif que les différents particuliers déjà dénoncés, ou qui craignent de l’être, ont présenté à M. le contrôleur général un Mémoire qui m’a été renvoyé, et dans lequel ils concluent à ce qu’il me soit donné un arrêt d’attribution pour connaître de cette affaire. — Ce serait en effet le moyen de leur procurer un juge assez favorable ; et ce Mémoire, dans lequel j’ai expliqué toute ma façon de penser, peut le faire présumer. Je ne pense cependant pas que ce soit une raison pour me charger de ce jugement, — Indépendamment de la répugnance que j’ai pour ces