Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/277

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sortes d’attributions, j’observe que les esprits se sont échauffés de part et d’autre dans la ville d’Angoulême à cette occasion, qu’un grand nombre de gens y ont pris parti contre les capitalistes prêteurs d’argent, dont la fortune a pu exciter l’envie, qu’enfin un assez grand nombre des officiers du présidial paraissent avoir adopté cette chaleur. Si c’est un motif pour ôter à ces derniers la connaissance de l’affaire, c’en est un aussi, suivant moi, de ne la point donner à l’intendant de la province ; l’on ne manquerait pas de penser que l’objet de cette attribution a été de soustraire des coupables aux peines qu’ils auraient méritées, et le jugement qui les absoudrait serait représenté comme un acte de partialité,

XLVIII. — Le Conseil d’État est le tribunal auquel il paraît le plus convenable de réserver la décision de cette affaire.

D’ailleurs le véritable motif qui doit faire évoquer cette affaire, est la liaison qu’elle a avec l’ordre public et l’intérêt général du commerce ; et dès lors, si l’on se détermine à l’évoquer, il semble que ce ne doit pas être pour la renvoyer à un tribunal particulier, et en quelque sorte étranger à l’ordre judiciaire, mais plutôt pour la faire décider avec plus d’autorité par un tribunal auquel il appartienne de fixer en même temps et de consacrer, par une sanction solennelle, les principes de sa décision. Je pense qu’il n’y en a point de plus convenable que le Conseil lui-même, surtout si, comme je le crois, il doit être question, non-seulement de juger l’affaire particulière des capitalistes d’Angoulême, mais encore de fixer par une loi la jurisprudence sur un point de la plus grande importance pour le commerce général du royaume.

XLIX. — La procédure criminelle commencée paraît exiger que l’affaire soit renvoyée à une commission particulière du Conseil, chargée en même temps de discuter la convenance de la loi proposée.

Je prendrai la liberté d’observer que si cette proposition est adoptée, il paraît convenable de former pour cet objet une commission particulière du Conseil. L’affaire ayant été introduite par la voie criminelle et poursuivie à la requête du procureur du roi, il est indispensable de la continuer d’abord sur les mêmes errements, et l’on ne peut se passer du concours de la partie publique. Or, on sait qu’il ne peut y avoir de procureur général que dans les commissions particulières. La même commission paraissant devoir naturellement être chargée d’examiner s’il y a lieu de rendre une