Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/29

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des mines, qui profitent avidement de la séduction où l’éclat de l’or et de l’argent a fait tomber les autres peuples ; une matière qu’on puisse multiplier selon ses besoins, sans craindre d’en manquer jamais, enfin qu’on ne soit jamais tenté d’employer à un autre usage qu’à la circulation ? Le papier a tous ces avantages, qui le rendent préférable à l’argent. »

Mais Turgot répond au Qu’importe de l’abbé Terrasson, par un exposé des vrais principes de la matière. Il fait voir en peu de mots que la monnaie n’est pas un signe de richesse, mais une richesse réelle ; qu’elle ne représente pas les marchandises, mais qu’elle est marchandise elle-même. Il dit pourquoi les métaux précieux sont plus propres que tout autre produit à remplir la fonction de monnaie, pourquoi il est de l’essence de la monnaie d’être une matière pourvue de valeur, et quel rôle joue réellement le papier, quand il apparaît dans la circulation. « C’est donc, lit-on dans la Lettre à l’abbé de Cicé, comme marchandise, que l’argent est, non pas le signe, mais la commune mesure des autres marchandises ; et cela, non pas par une convention arbitraire fondée sur l’éclat de ce métal, mais parce que, pouvant être employé sous diverses formes comme marchandise, et ayant, à raison de cette propriété, une valeur vénale un peu augmentée par l’usage qu’on en fait aussi comme monnaie, pouvant d’ailleurs être réduit au même titre et divisé exactement, on en connaît toujours la valeur. L’or tire donc son prix de sa rareté, et, bien loin que ce soit un mal qu’il soit employé en même temps et comme marchandise et comme mesure, ces deux emplois soutiennent son prix. »

« Il est absolument impossible, ajoute l’auteur, que le roi substitue à l’usage de l’or et de l’argent celui du papier. L’or et l’argent, même à ne les regarder que comme signes, sont actuellement distribués dans le public, par leur circulation même, suivant la proportion des denrées, de l’industrie, des terres, des richesses réelles de chaque particulier, ou plutôt du revenu de ses richesses comparé avec ses dépenses. Or, cette proportion ne peut jamais être connue, parce qu’elle est cachée, et parce