Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/378

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tant de farine qu’il doit en donner ; 2o la mauvaise foi de ces mêmes meuniers, qui savent employer mille moyens pour rendre à ceux qui leur portent du grain à moudre, beaucoup moins de farine qu’ils ne doivent en rendre, en les trompant sur le poids, sur la mesure et sur la qualité ; 3o l’usage de payer la mouture en abandonnant au meunier une portion des grains qu’on lui a donnés à moudre, portion fixée communément au seizième, ce qui, dans les temps de cherté, porte le prix de la mouture au double de ce qu’elle coûte quand le blé est à plus bas prix ; 4o l’impossibilité où se trouve une grande partie du peuple de se garantir de ces pertes par le privilège exclusif des moulins banaux[1] ; 5o les bénéfices excessifs que

  1. Voici ce que dit le Code rural (Paris, 1749) sur la banalité :

    « Il y a banalité de moulin, de four, de pressoir, de taureau, etc.

    Le droit de banalité consiste en ce que le seigneur peut obliger ses sujets de se servir de son moulin, four, pressoir, taureau, etc., sans qu’ils aient la liberté de se pourvoir ailleurs, ni même d’en avoir chez eux pour leur usage.

    Ce droit ne peut s’acquérir sans titre ; il faut du moins qu’il soit énoncé dans des dénombrements anciens.

    La banalité des fours et moulins est personnelle, c’est-à-dire qu’elle n’oblige que ceux qui sont habitants du lieu, et non ceux qui y possèdent des héritages sans y demeurer.

    Celle du pressoir est réelle, et oblige tous ceux qui ont des vignes dans le lieu, soit qu’ils y demeurent ou non.

    Les nobles sont exempts de la banalité.

    Les curés, les communautés ecclésiastiques, séminaires, collèges, hôpitaux et autres maisons de cette qualité, qui participent au privilège des nobles, sont pareillement exempts de la banalité.

    Les possesseurs de fiefs, quand même ces possesseurs seraient roturiers, en sont aussi exempts.

    Mais toutes ces exemptions ne s’étendent qu’aux banalités personnelles, telles que celles des fours et moulins, et non aux banalités réelles, comme celle du pressoir.

    Les boulangers publics peuvent être déchargés d’aller au moulin banal, pour le grain destiné à faire le pain qu’ils vendent, lorsque ce moulin n’est pas propre à faire de la farine convenable pour le pain qu’ils vendent, ou qu’il ne peut pas suffire à moudre tant de grain.

    Ils peuvent de même être déchargés d’aller au four banal pour le pain qu’ils vendent, si ce four ne peut pas fournir à cuire leur pain sans retardement de leur commerce, ou s’il n’est pas propre à cuire du pain blanc.

    Mais ils doivent toujours se servir du moulin et du four banal pour leur usage personnel et celui de leur famille.

    Le seigneur doit faire moudre dans les vingt-quatre heures les grains apportés à son moulin banal ; autrement il est permis aux sujets de porter leur grain ailleurs, sans rien payer au seigneur.

    Le droit de banalité peut être prescrit contre le seigneur, par ses sujets, par