Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/452

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

II. Si ce mot étranger n’emporte pas dans notre usage ordinaire quelque idée d’injure ou de mépris ? Si la nation anglaise a quelque droit de traiter ainsi le reste des hommes ? Si les nationaux qui entrent dans des desseins funestes à leur pays ne méritent pas le mépris qu’on a pour les étrangers, et si au contraire les étrangers qui font servir leurs vertus et leur industrie au bien général de ce royaume ne doivent pas être respectés comme de vrais patriotes ?

III. Si ce n’est pas aux leçons des étrangers que nous devons toutes nos connaissances sur certaines manufactures d’étoffes, draps, serges, droguets, soieries, velours, rubans, dentelles, cotons, toiles, papiers, chapeaux, fers, aciers, cuivre, laiton, etc. ? Si nos ancêtres eussent agi en hommes sages, s’ils eussent vraiment servi la patrie, en empêchant ces manufacturiers de s’y fixer ? Cependant leur établissement n’avait-il pas à combattre les mêmes craintes chimériques dont on nous étourdit, et ne disait-on pas alors comme aujourd’hui, que ces étrangers venaient ôter le pain de la bouche aux Anglais ?

Section II. — De l’introduction des nouvelles manufactures, de la perfection
des anciennes, et de l’accroissement du commerce.

I. Si l’on peut jamais savoir certainement, avant de l’avoir éprouvé, que les étrangers ne peuvent ni introduire de nouvelles manufactures, ni perfectionner les anciennes, et fixer à quel point la perfection du travail et le bas prix de la main-d’œuvre peuvent influer sur notre commerce étranger ?

II. S’il n’est pas certain, au contraire, que les étrangers nous


    sagées relativement à ces deux intérêts, et décidées par l’intérêt réel ou imaginaire du parti dominant. En général les propriétaires d’argent désirent la guerre, qui soutient l’intérêt de l’argent plus haut ; ils ont aussi cependant un grand intérêt de soutenir le commerce, dont la chute entraînerait celle du crédit public : les propriétaires de terres haïssent la guerre qui force à de nouveaux emprunts et à de nouvelles taxes. L’empressement de leurs adversaires à exalter les avantages du commerce, et à confondre l’agiotage avec le commerce, les a souvent rendus indifférents sur les projets relatifs à cette grande partie de l’administration politique, et les a empêchés de sentir que le produit de la balance retombe toujours entre leurs mains ; ce parti d’ailleurs est plus nombreux, composé de la plus grande partie des habitants des provinces ; par là il est en quelque sorte plus peuple, plus attaché aux anciens préjugés, et plus sujet à s’aveugler sur son véritable intérêt, pour peu qu’il soit difficile à saisir. On verra dans ce petit ouvrage plusieurs exemples des effets de cette ignorance : la conservation des communautés d’artisans et les obstacles à la naturalisation des étrangers sont les principaux. (Note de Turgot.)