Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/457

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œuvre et réglés par de sages lois, ne sont pas le grand ressort de la machine du commerce ?

VI. Mais si, lorsque ces besoins dégénèrent en intempérance, en folie, en vice, ils ne deviennent pas un grand obstacle au mouvement constant et régulier de cette machine, et s’ils ne tendent pas nécessairement à l’arrêter enfin tout à fait ?

VII. Si le commerce, considéré sous le point de vue le plus étendu, n’a pas avec les principes de la bonne morale une liaison essentielle ? Si, en conséquence, la corruption actuelle des mœurs ne doit pas être regardée comme la vraie cause pour laquelle tant d’hommes manquent d’emploi, parce que la débauche leur a fait perdre et le goût du travail et le crédit nécessaire pour se procurer des matières à ouvrager ?

VIII. Si les besoins artificiels des ivrognes sont par leur nature aussi étendus, aussi commerçables pour ainsi dire, que ceux d’un peuple sobre, frugal, industrieux, qui échange son travail avec le nécessaire ou les commodités de la vie, c’est-à-dire avec le travail des autres, et qui augmente le nombre des citoyens en nourrissant des enfants pour fournir après lui cette carrière respectable ?

IX. Si le jeu, la débauche, la mendicité, la paresse, les maladies ne donnent pas aussi de l’emploi à quelques hommes, par exemple aux prêtres et au bourreau ?

X. Si un peuple vicieux et corrompu travaillera à aussi bas prix et aussi bien qu’un peuple vertueux et sobre ? Si notre commerce étranger ne souffre pas par cette cause ? Si la quantité de nos exportations n’augmentera pas sensiblement lorsque nous travaillerons mieux et à meilleur marché que nous ne faisons, et si nos vices nationaux ne sont pas encore, sous ce point de vue, une seconde cause du manque d’emploi des hommes ?

XI. Si, dans toutes les contestations relatives à des points de commerce (lorsque par exemple le marchand et le fabricant portent au Parlement des prétentions directement contradictoires), il n’y a pas un moyen facile et naturel pour reconnaître où se trouve

    y avoir des besoins artificiels relatifs aux différents États ; et mieux un homme remplit les devoirs de son rang, plus il est à portée de contribuer au bonheur général en donnant un mouvement constant et régulier à la circulation du travail et de l’industrie dans tous les ordres de la société auxquels il est enchaîné par des rapports multipliés. C’est là un des points essentiels par où l’homme diffère de la brute. (Note de l’auteur.)