Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/686

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les impositions ordinaires, en 1763, en retranchant celles qui n’ont lieu que pendant la guerre, étaient de 3,478,202 l.

La part du propriétaire, d’après ce calcul, monterait à
  6,610,021     2    
Celle du roi, à
  4,295,170   18    
–––––––––––––––––
Le produit total à
10,905,192 l.  » s.
–––––––––––––––––

Le roi aurait à peu près 40 pour cent et le propriétaire 60 pour cent du revenu total. Cette charge, quoique très-forte, paraît au premier coup d’œil l’être beaucoup moins que celle qui résulte des calculs particuliers. Quelques considérations vont démontrer qu’elle en suppose, au contraire, une beaucoup plus forte sur les fonds taillables. En effet, on doit observer que tous les fonds sujets aux vingtièmes ne le sont pas à la taille[1]. Suivant les rôles du vingtième, les fonds appartenant aux nobles et privilégiés sont aux fonds appartenant aux taillables comme 7 est à 13. Quand on supposerait que la totalité des biens des nobles sont des fonds de terre exploités par des colons et par conséquent sujets à la taille d’exploitation[2],

  1. Les vingtièmes étaient l’impôt foncier des biens nobles, et la taille celui des biens en roture, en ce seul sens, toutefois, que les biens de la première espèce échappaient à la taille, mais non que les biens de la seconde échappassent aux vingtièmes. Quant aux biens ecclésiastiques, ils n’étaient atteints ni par l’une, ni par l’autre de ces deux taxes. L’Église se contentait de faire l’aumône à César dans les cas de pressante nécessité, attendu que, lors de l’établissement des vingtièmes, en 1749, César n’avait pu trouver de réponse à cette pieuse argumentation :

    Non, Sire, ce ne sont pas des préjugés frivoles ni une religion peu éclairée qui ont fait établir les immunités de l’Église. On a senti, dans tous les temps, qu’on ne pouvait faire respecter la religion sans honorer ses ministres.

    …… Ne craindrait-on pas d’affaiblir le respect dû à cette même religion, si l’on voyait aujourd’hui les ministres de l’Église, pour la première fois, avilis et réduits à la condition de vos autres sujets, confondus avec les peuples qu’ils gouvernent, n’être distingués que par l’humiliation à laquelle on les aurait réduits, et devenir dans une grande partie du royaume l’objet du mépris de ces enfants égarés que souvent ils ramènent au sein de l’Église et qu’ils s’efforcent toujours de contenir ?……. » (Remontrances du clergé, 24 août 1749. ) — Voyez plus haut, page 445. (E. D.)

  2. En droit, les biens nobles et ecclésiastiques, affermés, étaient passibles de la contribution foncière, qui prenait alors le nom de taille d’exploitation. Mais, en fait, la loi très-souvent ne s’exécutait pas, et toujours s’exécutait mal, par suite de l’influence que les privilégiés exerçaient sur les divers degrés de répartition de l’impôt. En ajoutant donc aux biens de la noblesse et du clergé tous ceux qui étaient possédés par des titulaires d’offices ou de charges, auxquels s’attachait l’exemption de taille, nul doute qu’avant l’établissement des vingtièmes la moitié du territoire ne fût soustraite à la taxe foncière, et qu’en tout temps les propriétaires les moins riches n’aient été ceux sur qui retombait la plus lourde part de ce fardeau. — Voyez les dix-huit catégories d’exemptions tracées par Vauban dans le chapitre ix de la Dîme royale. (E. D.)