Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/119

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vernement, on s’imaginait épargner beaucoup en obligeant les habitants des lieux de passage à faire le service pour rien, ou pour un prix absolument disproportionné à la charge qu’ils supportaient. L’expérience a fait voir que cette prétendue épargne était un fardeau énorme pour ceux sur lesquels il tombait. On a vu que les frais de ce service, converti en argent, étaient, quoique payés très-chèrement, un très-grand soulagement pour les provinces. En effet, on paye 100 sous par cheval ; un cheval fait à peu près le service d’une paire de bœufs, et il était très-commun de voir des propriétaires aimer mieux payer 15 francs, que de faire le service avec leurs bœufs. Vous voyez par là, monsieur, qu’on doit évaluer ce service, dans les provinces où il se fait en nature, à bien plus haut prix que dans celles où tout se paye en argent. Lorsque cette dernière méthode aura été adoptée dans tout le royaume, le calcul de la dépense, comparé avec le poids des effets transportés, fera sentir, quand on voudra faire cet examen, et le ridicule, j’ose le dire, du système actuel, et la facilité d’y suppléer à beaucoup moins de frais.

Rien n’est plus simple. Parmi les effets qu’un régiment est obligé de transporter, il en faut distinguer de deux sortes. Les uns, et c’est la plus grande partie, ne sont d’aucun usage pendant la route ; il suffit que le régiment les retrouve, lorsqu’il sera arrivé au lieu de sa destination. Pour cela, il suffit que l’officier chargé du détail fasse un marché avec des rouliers à tant du quintal, comme ferait un négociant qui aurait la même quantité d’effets à faire transporter. Cette manière est assurément la plus simple, la plus sûre et la moins dispendieuse. À l’égard des effets dont le régiment a besoin dans sa route, ils ne sont pas en grande quantité ; un ou deux fourgons qui suivraient les régiments suffiraient et au delà pour les porter, et en outre les éclopés. L’on pourrait même en retrancher facilement la caisse militaire, en déposant son montant chez le trésorier du lieu du départ, et prenant une rescription de pareille somme sur le trésorier du lieu de l’arrivée. Ces fourgons seraient un meuble appartenant aux régiments, et les officiers prendraient tels arrangements qu’il leur conviendrait pour les faire conduire avec eux, en louant des chevaux, ou bien en les achetant pour les revendre lorsque la troupe serait arrivée.

À l’égard des cas où il est d’usage de fournir un cheval de selle, ce qu’il y aurait de mieux à faire serait de payer en argent, à ceux