Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/120

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auxquels cette fourniture est due, une somme pour leur en tenir lieu, avec laquelle ils s’arrangeraient comme ils le jugeraient à propos. Cette somme serait certainement beaucoup moindre que ce qu’il en coûte aux provinces.

L’épargne qui résulterait d’un pareil arrangement ne consisterait pas seulement dans le moindre prix de la fourniture ; je ne doute pas que la réduction même sur la quantité des fournitures ne formât un objet plus considérable. Certainement on serait beaucoup plus attentif à n’ordonner ces fournitures qu’en connaissance de cause et pour de bonnes raisons, lorsqu’en même temps on serait dans le cas d’en débourser le prix, qu’on ne l’est lorsque ceux qui les ordonnent n’ont aucun rapport avec ceux qui les payent. Il en résulterait la suppression d’une foule de disputes entre les troupes et les personnes chargées, dans les provinces et dans les villes, des détails de l’administration. Cet avantage et celui de la diminution des détails me paraissent inestimables.

Je ne vois, monsieur, qu’une seule difficulté à cet arrangement, c’est que, tous les frais devant en être supportés ou par les régiments, ou par le roi, le ministre de la guerre y trouverait une augmentation de dépense dont il ne voudrait probablement pas charger les fonds assignés à son département. Il est encore très-facile de lever cette difficulté. En effet, puisque dans l’état actuel les provinces payent ce service, il serait naturel qu’elles contribuassent au supplément dont il faudrait, pour les en décharger, augmenter les fonds de la guerre. Les provinces qui font déjà cette fourniture à prix d’argent supportent une imposition pour cet objet, et sans doute vous serez obligé d’ordonner une pareille imposition sur toutes les autres provinces, si vous vous déterminez à suivre le même plan pour tout le royaume. — Comme la dépense sera certainement beaucoup moindre dans celui que je propose, on y subviendrait avec une imposition plus légère, et dès lors elles y trouveraient encore du soulagement. — Si vous goûtiez cette idée, monsieur, vous pourriez en faire la proposition à M. le duc de Choiseul, et en concerter avec lui l’exécution. Je la lui aurais faite moi-même directement, si je n’avais cru plus convenable de vous en prévenir d’abord, et d’attendre que vous m’ayez fait connaître votre façon de penser.

Je suis avec respect, etc.