Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/122

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suivant que les officiers municipaux sont plus ou moins négligents. Il en résulte une foule de procès également désavantageux aux particuliers et aux communautés.

Un autre vice de presque tous ces tarifs est d’assujettir à des droits très-légers une foule de marchandises différentes, ce qui en rend la perception très-minutieuse et très-facile à éluder, à moins de précautions rigoureuses qui deviennent fort gênantes pour le commerce. Il règne enfin, dans presque tous les tarifs des droits d’oc-trois, un troisième vice plus important à détruire : c’est l’injustice avec laquelle presque tous les bourgeois des villes auxquelles on a accordé des octrois ont trouvé le moyen de s’affranchir de la contribution aux dépenses communes, pour la faire supporter en entier aux plus pauvres habitants, aux petits marchands et au peuple des campagnes. Les droits d’octrois sont établis pour subvenir aux dépenses générales des villes ; c’est donc aux citoyens des villes, pour l’utilité desquels se font ces dépenses, à en payer les frais. Mais comme ces droits ont toujours été accordés sur la demande des corps municipaux, et comme le gouvernement, occupé de tout autre chose, a presque toujours adopté sans examen les tarifs qui lui étaient proposés, il est arrivé presque partout qu’on a chargé par préférence les denrées que les pauvres consomment ; que si, par exemple, l’on a mis des droits sur le vin, on a eu soin de ne les faire porter que sur celui qui se consomme dans les cabarets, et d’en exempter celui que les bourgeois font entrer pour leur consommation ; que pareillement on a exempté toutes les denrées que les bourgeois font venir du crû de leurs biens de campagne ; qu’ainsi ceux qui profitent le plus des dépenses communes des villes sont précisément ceux qui n’y contribuent en rien ou presque en rien ; et que ces dépenses se trouvent payées dans le fait par ceux qui n’ont point de biens-fonds et que leur pauvreté met hors d’état de s’approvisionner en gros, ou par les habitants des campagnes, dont les denrées chargées de droits se vendent toujours moins avantageusement.

Il me semble, monsieur, que le résultat de ces observations doit être, en cherchant à mettre en règle la perception des droits d’oc-trois, non-seulement d’obliger les villes à faire revêtir des formes légales les titres de leur perception, mais encore d’en corriger les tarifs ; de fixer les droits d’une manière claire, précise, qui prévienne les interprétations arbitraires et les contestations qui en naî-