Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

province n’est pas sujet à moins d’embarras. Il faudra, comme on l’a déjà observé, associer ensemble chaque année plusieurs communautés, en nombre tantôt plus grand, tantôt plus petit. Une communauté associée une année avec une autre, sera quelquefois, l’année suivante, associée avec une troisième, et ces combinaisons changeront sans cesse, si l’on veut mettre quelque égalité dans la répartition. Il y a d’ailleurs une si prodigieuse inégalité dans les différentes levées, il y a des levées si peu nombreuses, qu’il devient impossible d’en faire la répartition, à moins de faire tirer pour ainsi dire ensemble tous les habitants d’un canton.

Ce n’est pas tout : il y a mille circonstances où une communauté doit répondre de l’homme qu’elle a fourni, et le remplacer lorsqu’il vient à manquer. Mais si cette communauté, lorsqu’elle a fourni l’homme, était unie avec une seconde, et qu’au moment du remplacement les deux communautés, au lieu d’être encore ensemble, se trouvassent séparées et faire partie de nouvelles associations avec d’autres communautés, à qui s’adressera-t-on pour ce remplacement ? Toutes les ordonnances rendues jusqu’à présent sur la milice n’ont décidé aucune de ces difficultés, et semblent même ne les avoir pas prévues. Chaque intendant, dans sa généralité, a suivi le parti que les circonstances lui ont paru exiger. Je serais porté à proposer de faire tous les ans une levée dans chaque paroisse, laissant chez eux et y retenant par une demi-solde ces miliciens, pour en former au besoin des troupes réglées, peut-être les meilleures de toutes.

Ce plan semble réunir tous les avantages : un meilleur choix d’hommes, une composition toujours complète, un adoucissement dans la levée qui rendrait presque insensible une des charges les plus dures qui soient actuellement imposées sur les habitants des campagnes, et pour l’administration la plus grande simplification dans le travail, et l’aplanissement d’un labyrinthe de détails où elle s’égare laborieusement, sans pouvoir éviter les erreurs et les injustices.

Je n’y vois qu’une objection, c’est l’impossibilité de concilier ce système avec l’usage que la cour s’est permis de prendre des hommes de milice pour les incorporer dans d’autres corps. S’il n’est pas possible de rendre inviolable la promesse de ne jamais tirer les soldats provinciaux de leur corps, il faut renoncer au plan de former ces corps des représentants des paroisses de chaque canton ; car comment