Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/145

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Je ne prétends pas soutenir que dans la suite, lorsque la situation des propriétés et celle des travaux des mines ont été susceptibles d’une détermination plus précise, la société n’ait pu donner au propriétaire de la surface le droit de s’opposer à toute entreprise faite sous son fonds ; mais je crois avoir prouvé que ce droit n’est point une conséquence de la convention primitive qui a établi le droit des propriétés, droit si ancien et si nécessaire qu’il a précédé les lois, et qu’à quelques égards il se confond avec le droit naturel. Il est certain que dans le fait le droit du propriétaire sur les matières souterraines n’a point été assuré par des lois primitives chez la plupart des nations, et en particulier en France, puisque l’on y croit que les mines appartiennent au souverain. J’examinerai dans la suite si une loi qui en donnerait la propriété au propriétaire de la surface serait utile ; il est toujours certain qu’à ne consulter que le droit naturel et les conséquences immédiates des premières conventions qui ont garanti les propriétés foncières, on est libre de fouiller sous le terrain d’autrui, pourvu qu’on n’ouvre que sur son propre terrain.

§ IV. Bornes de cette liberté. — Cette faculté est cependant limitée par l’obligation de ne nuire en rien au propriétaire de la superficie, car le droit de celui-ci s’étend incontestablement sur tout ce qui peut intéresser la conservation de son terrain, la solidité des ouvrages qu’il y a faits, la jouissance tranquille des fruits. Ainsi, un homme qui, en ouvrant la terre dans son champ, creuserait sous celui de son voisin de façon à faire enfoncer le sol, à affaiblir les fondements de la maison, à faire écouler l’eau du puits, donnerait certainement atteinte à la propriété d’autrui. Il n’est donc permis de fouiller sous le sol d’un autre qu’à deux conditions : l’une, de ne fouiller qu’à une profondeur telle qu’on ne puisse lui causer aucun dommage ; l’autre, de laisser d’espace en espace des soutiens suffisants pour que son terrain et ses bâtiments ne puissent s’écrouler. La possession résultant de l’occupation des matières souterraines est donc assujettie à une servitude naturelle en faveur du propriétaire de la superficie.

§ V. Droit d’occupation sur les matières souterraines. Quoiqu’avant cette occupation elles ne soient encore à personne, il n’en résulte pas quelles doivent appartenir au prince. — Les matières souterraines n’appartiennent à personne jusqu’à ce que le terrain soit