Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/146

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fouillé ; celui qui entreprend de les extraire s’en empare au titre de son travail comme premier occupant, et le propriétaire du sol qui fouille dans son terrain n’a pas d’autre droit.

On a voulu en conclure que ces matières appartiennent à l’État et font partie du domaine du souverain, de même que les terres vaines et vagues ; mais il y a deux différences considérables : la première consiste en ce que, pour s’approprier les terres vaines et vagues, il a suffi que le souverain en ait eu la volonté, au lieu qu’il ne peut parvenir aux matières souterraines sans passer par la superficie, ce qu’il ne peut faire sans donner atteinte au droit de propriété. Je conviens que le prince peut être aussi propriétaire de terrains, mais les droits qui lui appartiennent à ce titre appartiennent à tous les autres propriétaires comme à lui, et ne sont point un apanage de la souveraineté. Une seconde différence consiste en ce que personne n’a aucune espèce de droit à réclamer sur les terres vaines et vagues ; mais, quoique le propriétaire du sol n’ait pas un droit exclusif sur les matières souterraines, on ne peut nier que le droit d’ouvrir la terre dans son champ et de s’approprier par la voie de l’occupation les matières qu’il y trouve, ne soit un accessoire de son droit de propriété : cette faculté n’exclut pas la concurrence de celui qui pourrait le prévenir dans cette espèce d’occupation sans entrer dans son champ, mais elle est incompatible avec la propriété absolue du prince, puisque celle-ci priverait le propriétaire du sol d’une liberté qui fait partie de sa propriété primitive.

§ VI. Le droit d’occupation sur les mines ne s* étend qu’à la propriété des ouvrages faits sous terre et des matières déjà extraites, sans donner de suite sur les bancs ou filons découverts. — Je crois avoir prouvé que le droit de celui qui a ouvert une carrière ou une mine est le droit du premier occupant[1]. Pour fixer la nature et l’étendue de la propriété qu’il acquiert à ce titre, il ne faut que considérer quelle est précisément la chose qu’il occupe.

Il n’est pas douteux qu’en creusant des puits et des galeries, il ne

  1. On a dit que Turgot n’avait imaginé que l’anarchie, en créant le système du droit du premier occupant en matière de mines. Quelle que soit la valeur de ce système, qu’on ne saurait défendre ou réfuter dans une note, il nous semble qu’il ne serait pas facile d’établir que celui qui résulte de la législation actuelle soit meilleur. Si l’on cherche la vérité sur cette question, l’on fera bien de prendre connaissance de tout ce qui a été écrit par M. Dunoyer, sur les industries extractives, dans le tome III du Journal des Économistes. (E. D.)