Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/149

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Celui-ci étant maître absolu de son héritage, est libre, par le droit naturel, d’accorder ou de refuser son consentement, c’est au mineur à lui proposer des avantages assez grands pour l’engager à le donner. S’il refuse obstinément, le mineur sera obligé d’interrompre ses travaux : c’est un malheur, mais il n’a point à se plaindre ; c’était à lui à prévoir le besoin qu’il aurait du propriétaire, et à s’assurer d’avance de son consentement.

En vain prétendrait-on que le mineur étant obligé, par une servitude naturelle, à prendre toutes les précautions nécessaires pour garantir au propriétaire du sol la conservation et la jouissance tranquilles de sa propriété, cette servitude devrait être réciproque, et que le propriétaire de la superficie devrait être pareillement tenu, sauf un dédommagement convenable, à tout ce qui est nécessaire au mineur pour jouir de sa propriété souterraine.

Cette réciprocité n’a aucun fondement. Il est faux que le propriétaire du sol, en s’opposant à l’ouverture dont le mineur a besoin, empêche celui-ci de jouir d’aucune propriété. Le mineur n’a d’autre propriété que les travaux déjà faits et les matières qu’il en a retirées. C’est pour continuer ses travaux, c’est pour extraire de nouvelles matières, c’est pour acquérir une nouvelle propriété, et non pour conserver l’ancienne, qu’il a besoin d’une nouvelle ouverture : or, une propriété qu’il n’a pas ne peut lui donner aucun droit de servitude. Eût-il une vraie propriété, celle du possesseur de la superficie serait antérieure, et c’est de cette antériorité que résulte la servitude ; c’est cette antériorité qui restreint la faculté laissée à celui qui n’est pas propriétaire, de creuser sous le sol ; c’est elle qui met à cette liberté la condition de garantir le propriétaire de tout dommage. Mais celui-ci n’a fait de condition avec personne ; sa propriété était pleine et entière, et personne n’a pu la diminuer après coup, ni acquérir une servitude sur lui sans son consentement. Par cela seul qu’il est propriétaire, il est maître de sa chose, et ne peut être forcé à en céder l’usage à un autre. Il n’est ici question que du droit de propriété considéré en lui-même, et non des motifs d’utilité générale qui pourraient déterminer le législateur à restreindre la propriété dans des cas particuliers. J’examinerai bientôt la solidité de ces prétendus motifs.

§ IX. Résultat des principes de l’équité naturelle et des conséquences immédiates du droit de propriété relativement à la jurisprudence des