Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ailleurs à travailler de leurs bras, et ce profit médiocre est une véritable perte pour l’État, parce que les ouvertures multipliées et pratiquées sans aucune régularité nuisent aux exploitations régulières que d’habiles gens pourraient entreprendre dans la suite.

Les masses de terre affaiblies par l’interruption de leur continuité, et mal soutenues avec de mauvais bois, s’éboulent sur les travaux ; les puits abandonnés se remplissent d’eaux qui, se faisant jour tout à coup dans les galeries intérieures, y viennent surprendre et noyer les mineurs.

Les eaux, si elles se filtrent, peuvent détremper et décomposer les liions ; si elles séjournent dans les puits, elles s’y corrompent et produisent ces vapeurs malsaines qui font périr sur-le-champ les ouvriers.

L’État a donc un intérêt sensible à ce que les mines ne soient exploitées que suivant les règles de l’art, ce qui est incompatible avec la liberté générale laissée à tous les propriétaires d’ouvrir les mines chacun sous son terrain.

§ VIII. Conséquences des trois objections ci-dessus en faveur de l’utilité et de la nécessité des systèmes établis sur la jurisprudence et sur l’administration des mines. — En effet, des concessions accordées en connaissance de cause sont l’unique moyen d’obvier aux petites exploitations irrégulières qui produisent peu pour le moment et nuisent pour l’avenir, en devenant un obstacle à des exploitations plus régulières. L’État, en donnant à ces concessions une certaine étendue, assure aux entrepreneurs, outre la rentrée de leurs frais, des profits suffisants pour les exciter à multiplier leurs entreprises et à mettre en valeur toutes les richesses que le royaume possède en ce genre. En n’accordant ces concessions que pour un temps limité, et statuant que dans le cas où les concessionnaires négligeraient ou abandonneraient l’exploitation de la mine concédée, l’État y rentrera de plein droit, on n’a point à craindre qu’un privilège, accordé à un concessionnaire qui n’en ferait point usage, devienne dans la suite un obstacle à ce qu’un autre entreprenne de mettre la même mine en valeur.

Tel est précisément le système actuel de l’administration sur la police des mines, dans une partie de l’Europe, et c’est le seul dans lequel elles puissent être exploitées de la manière la plus avantageuse pour l’État. Ce système suppose que la propriété des matières