Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/171

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il suffit, comme dans les autres travaux qui peuvent occasionner quelque malheur involontaire, d’ordonner une indemnité supérieure au dommage que l’on n’aurait pas pu éviter. La nécessité d’acheter l’héritage détérioré, si le propriétaire l’exige, et à un prix d’un cinquième ou d’un quart en sus de celui qu’il avait précédemment, dans le cas où l’on ne s’arrangerait pas avec lui de gré à gré pour l’indemnité de la portion qui aurait souffert, pourrait concilier tous les intérêts.

§ XVI. Conclusion en faveur du système qui, en réservant au propriétaire de la surface la faculté exclusive de pratiquer des ouvertures dans son héritage, attribue la propriété des matières souterraines au premier occupant. — Aucun motif d’utilité générale ou particulière ne doit donc engager la législation à donner la propriété des matières souterraines au propriétaire de la superficie ; et, puisque l’intérêt public n’exige pas qu’elle soit attribuée au souverain, je suis en droit d’en conclure qu’il n’y a rien à changer aux quatre articles[1] auxquels j’ai prouvé que la jurisprudence des mines se réduit, si on ne la fonde que sur l’équité naturelle et sur les conséquences immédiates du droit de propriété.

§ XVII. Avantages de ce système. — Cette législation, la plus simple et la plus juste, serait en même temps la plus propre à encourager l’exploitation des mines : sans donner aux propriétaires de la superficie plus que la justice n’exige, elle leur conserverait tous leurs droits, et les mettrait à l’abri de toute contrainte ; sans embarrasser l’administration du soin oiseux de donner des permissions, sans exclure personne du droit de travailler où il voudrait et comme il voudrait, elle assurerait aux entrepreneurs le fruit de leurs peines et de leurs avances, autant que la nature des choses le comporte ; elle leur laisserait un gage plus solide qu’ils ne peuvent l’avoir dans un autre système, et qui cependant ne nuirait en rien aux nouvelles entreprises que d’autres pourraient former ; enfin, elle donnerait à cette branche d’industrie toute l’activité que la concurrence générale et la liberté donnent à tous les genres de commerce. Si l’on veut faire entrer en considération l’intérêt fiscal du prince, qui serait privé du droit exclusif de faire exploiter les mines pour son compte, ce serait dire qu’il perdrait un droit dont il n’use jamais, et dont il est démontré que, du moins dans un grand État, il ne pourrait user

  1. Vovez plus haut, chap. I, § IX, pages 139 et 140.