Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/191

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royaume, auxquelles la connaissance des avaries est attribuée privativement à tous autres juges par les articles III et XV du titre II de l’ordonnance de la marine, il y a deux manières de procéder à cette évaluation : ou par experts nommés par le juge de l’amirauté, ou par la vente publique des grains avariés, et d’une partie de ceux qui n’ont souffert aucun dommage, ensuite de laquelle on connaît la différence entre la valeur des uns et des autres grains, et on fixe l’indemnité : qu’ainsi il peut arriver que le juge de l’amirauté ordonne la vente ; qu’il y aurait donc contradiction entre l’ordonnance du juge de l’amirauté et celle du juge de police ; que celle du juge de l’amirauté devrait prévaloir, parce qu’il est seul compétent en cette matière, et que la vente des grains peut être nécessaire et forcée.

Que l’usage reçu dans les places du Nord, d’où sont venus les grains que les juges de police de La Rochelle ont défendu de vendre, rend cette vente encore plus nécessaire ; qu’on n’admet point dans ces places l’évaluation des avaries par expertage ; qu’on y exige qu’elle soit établie par vente publique ; que sans cette formalité, les assureurs avec lesquels le chargeur a traité dans ces places refuseraient de payer l’indemnité ; que tel est l’usage de leurs tribunaux ; qu’ainsi, défendre la vente de ces grains, c’est ôter la réciprocité d’assurances, et par conséquent de commerce entre le royaume et les États étrangers.

Que cette vente est utile : qu’elle l’est aux grains eux-mêmes, parce que les partager par la vente, c’est multiplier le nombre de personnes occupées à les soigner et à les rétablir, en accélérer, en faciliter et en assurer le rétablissement ; elle l’est au peuple, qui, en lavant ces grains et les faisant sécher, ou les mêlant avec d’autres grains, se procure une subsistance convenable et cependant moins chère ; elle l’est au commerçant lui-même, qu’elle exempte des frais de manutention.

Que cette vente ne peut être nuisible ; que ce n’est pas la vente des grains qui peut nuire au peuple : que c’est la fabrication et la vente du pain ; que ce n’est donc que sur la vente et la qualité du pain que doit veiller la police ; que porter les prohibitions jusqu’à la vente des grains, c’est empêcher que les grains les plus détériorés ne puissent être employés à des pûtes, des colles, des poudres néces-