Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/192

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saires à la société civile ; obliger d’y substituer des grains mieux conservés, et diminuer les subsistances.

Qu’ainsi les juges de police de La Rochelle, par les visites, les défenses, les procédures qu’ils se sont permis d’ordonner, ont excédé leur pouvoir.

Qu’ils ont contrevenu aux lois données par Sa Majesté sur le commerce des grains ; qu’ordonner qu’après quinzaine il serait fait une nouvelle visite de grains venus de l’étranger, c’est obliger le commerçant qui les a reçus à les garder au moins pendant quinzaine, puisqu’il est tenu de les représenter, à l’expiration de ce délai, aux experts chargés de les visiter ; qu’ainsi le commerçant ne peut ni les faire ressortir, ni en disposer ; que néanmoins les lettres-patentes données par Sa Majesté le 2 novembre 1774 ordonnent, article IV, qu’il sera permis à tous ses sujets, et aux étrangers qui auront fait entrer des grains dans le royaume, d’en faire telles destinations et usages que bon leur semblera ; même de les faire ressortir sans payer aucuns droits, en justifiant que les grains sortants sont les mêmes qui ont été apportés de l’étranger ; que les juges de police de La Rochelle ont donc contrevenu aux lettres-patentes de Sa Majesté.

Que les ordonnances rendues par ces juges de police sont encore contraires aux vues que Sa Majesté s’est proposées dans ses lettres-patentes ; elle a cherché à y encourager le commerce, à l’exciter à apporter des grains dans le royaume ; et que ces ordonnances tendraient à le repousser et à le détourner : qu’en conséquence de la pleine et entière liberté que Sa Majesté lui a accordée, plusieurs négociants ont envoyé des grains étrangers dans le royaume, notamment à Marseille, Bordeaux, La Rochelle et Nantes ; que toutes ces importations utiles, même nécessaires, cesseraient ; que le commerce, qui, lorsqu’il a souffert quelque perte par des accidents de la mer, mérite, par cette considération, d’être encore plus affranchi de toute inquiétude, fuirait des lieux où ses malheurs mêmes l’exposeraient à des visites, à des inhibitions, à des procédures ; que Sa Majesté doit au maintien de son autorité, au bien de ses peuples, à la sûreté de la subsistance de son royaume, de réprimer des entreprises si nuisibles, et de marquer aux négociants qui font venir des grains étrangers la protection qu’elle leur a accordée et qu’elle est résolue