Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/194

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chés les y rendent plus rares et par conséquent plus chers ; que le marchand doit trouver dans le produit de la vente de ses grains le payement du droit ; qu’il est donc obligé d’en demander un plus haut prix, et qu’ainsi le droit lui-même opère un renchérissement ; mais qu’une cherté encore plus grande naît de l’effet que ce droit produit sur le commerce, en l’écartant et le détournant ; que le commerce évite des lieux où il serait obligé de payer des droits, et porte par préférence à ceux qui en sont exempts ; qu’il craint même l’inquiétude de la perception ; qu’ainsi il ne se détermine à venir dans les lieux sujets à des droits, que lorsqu’il y est appelé par la plus grande cherté ; qu’il n’y apporte même ses denrées que successivement par parcelles, et toujours au-dessous du besoin, dans la crainte que les grains restant invendus, ou la cherté venant à diminuer, le payement des droits ne demeure à sa charge et ne l’expose à des pertes ; de sorte que l’établissement seul du droit occasionne le renchérissement, et éloigne l’abondance qui le ferait cesser.

La circulation ne pourra donc être établie avec égalité, avec continuité dans tous les lieux du royaume, que lorsque Sa Majesté aura pu affranchir ses peuples de droits si nuisibles à sa subsistance ; elle se propose de leur donner cette marque de son affection ; mais en attendant qu’elle puisse accorder ce bienfait à tout son royaume, elle se détermine à en faire, dans le moment, jouir les lieux où des circonstances particulières exigent d’accélérer cette exemption.

En suspendant la perception de ces droits, Sa Majesté n’entend pas préjudicier à la propriété de ceux à qui ils appartiennent : elle veut leur assurer une pleine indemnité et prendre les mesures nécessaires pour en fixer le payement ; à quoi étant nécessaire de pourvoir : ouï le rapport du sieur Turgot, etc. ; le roi étant en son Conseil, ordonne :

Qu’à compter du jour de la publication du présent arrêt, jusqu’à ce qu’il en soit autrement ordonné, la perception de tous droits sur les grains et farines, tant à l’entrée de la ville que sur les marchés, soit à titre d’octrois, ou sous la dénomination de minage, aunage, hallage et autres quelconques, sera et demeurera suspendue dans les villes de Dijon, Beaune, Saint-Jean-de-Lône et Montbard ; fait défense à toutes personnes de les exiger, même de les recevoir, quoiqu’ils fussent volontairement offerts, aux peines qu’il appartiendra, à la charge néanmoins de l’indemnité qui pourra être due aux propriétaires ou aux fermiers desdits droits pour le temps qu’ils auront cessé d’en jouir, ou du remboursement du principal auquel lesdits droits auront été évalués, ensemble des intérêts, si Sa Majesté se détermine à en ordonner