Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/217

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lettre à M. d’Aine, intendant de Limoges, sur la proportion à établir et à maintenir entre le prix du blé et celui du pain. (Paris, le 17 septembre 1775.)

Le moment, monsieur, où la diminution sur le prix des grains se fait sentir, doit être celui où le peuple éprouve la même diminution sur le prix du pain. J’ai vu avec peine que la proportion établie presque partout entre le prix du blé et le prix du pain l’était d’une manière très-défavorable au peuple. Il en résulte que, lorsque l’abondance a fait diminuer considérablement le prix des grains, il paye encore sa subsistance un prix assez considérable, et que dans le temps de la cherté il lui est impossible d’y atteindre. Vous avez fait faire sans doute, ou il a été fait dans les différentes villes de votre généralité, par des officiers municipaux, des essais pour établir le produit d’une mesure quelconque de blé en farine, le produit en pain, et les frais de fabrication et de cuisson. La cherté qu’on a éprouvée dans les environs de Paris a donné lieu à de nouveaux essais à Roissy, qui m’ont paru faits avec cette attention que donne le désir de procurer du soulagement au peuple dans un objet aussi intéressant que celui de sa subsistance journalière, et souvent unique. J’ai cru devoir vous les communiquer : ils vous serviront à convaincre les officiers municipaux des différentes villes de votre généralité, et les boulangers eux-mêmes, que le prix du pain peut toujours être égal à celui de la livre du blé, et par conséquent d’autant de deniers que le setier, mesure de Paris, vaut de livres numéraires. Ces essais serviront aussi à faire connaître qu’en y mêlant un quart de seigle on trouve le moyen de donner le pain à beaucoup meilleur marché ; et, de ces expériences répétées depuis le 1er juillet jusqu’au 10 août, il résulte que, dans les temps d’une cherté des grains très-considérable, et telle qu’on ne peut pas craindre de les voir souvent, lorsque le prix est élevé à 36 livres, le peuple peut manger le pain à 3 sous la livre ; et qu’en y mêlant un quart de seigle, il aura pour 2 sous 8 deniers ce pain qui est tel que le mangent les troupes du roi, avec la différence qu’on n’y laisse point le son. Dans les pays où l’on consomme principalement du pain de froment, ce mélange peut être pratiqué, surtout durant les temps de cherté, à l’avantage du peuple ; on a éprouvé qu’il rendait le pain plus agréable.

Je vous prie, monsieur, de vouloir bien donner tous vos soins pour que les officiers municipaux ou de police, chargés de la taxe