Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/229

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les années 1698 et 1699, et enfin dans l’année 1709, et depuis dans les années 1740 et 1741, temps funestes où le prix des grains, étant modéré dans plusieurs provinces, était cependant excessif à Paris ; où l’excès de ce prix était déterminé, non par leur quantité effective, mais par l’avidité du petit nombre de marchands auxquels la vente des grains était livrée, sous un régime qui ne permettait ni commerce, ni circulation, ni concurrence. L’abandon de ces règlements nuisibles, fondé sur les lois de la nécessité, a pu seul rendre moins incertain l’approvisionnement de notre bonne ville de Paris : ils menaçaient sans cesse de disette et de cherté ; il était indispensable de tolérer des ressources contre les obstacles que pouvaient opposer les glaces ou les inondations ; d’avoir des magasins dans l’arrondissement des dix lieues, et même dans l’intérieur ; de souffrir que les marchands pussent préserver leurs grains des injures de l’air, qu’ils eussent le temps de les vendre, la faculté d’employer des facteurs ; et ce n’est qu’à l’inexécution de ces lois que Paris a dû sa subsistance.

Mais l’inexécution de telles lois ne suffit pas pour rassurer le commerce, que leur existence menace encore ; il n’a point repris ses fonctions ; le gouvernement ne pouvant y mettre sa confiance, s’est cru obligé de pourvoir par lui-même à l’approvisionnement de la capitale. Il a éprouvé que cette précaution, réputée nécessaire, avait les plus grands inconvénients ; que le commerce qui se faisait sous ses ordres n’admettait ni l’étendue, ni la célérité, ni l’économie du commerce ordinaire ; que ses agents autorisés portaient, dans tous les marchés où ils paraissaient, l’alarme et le renchérissement ; qu’ils pouvaient même par la nature de leurs fonctions commettre plusieurs abus ; que les opérations de ce genre, consommant le découragement et la fuite absolue du commerce ordinaire, surchargeaient de dépenses énormes les finances, et par conséquent nos sujets qui en fournissent les fonds ; enfin, qu’elles ne remplissaient pas leur objet.

C’est surtout dans les derniers temps que ces inconvénients multipliés se sont fait sentir plus vivement. La déclaration du 25 mai 1763 semblait préparer la prospérité de l’agriculture et la facilité des subsistances, en ordonnant que la circulation des grains fût entièrement libre partout le royaume ; mais une multitude d’obstacles particuliers et locaux trompaient le vœu général de la loi, et embar-