Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/23

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vie par eux-mêmes ; il y en a d’autres à qui leurs forces permettent de travailler. Les premiers seuls doivent recevoir des secours gratuits ; les autres ont besoin de salaires, et l’aumône la mieux placée et la plus utile consiste à leur procurer les moyens d’en gagner. Il sera donc nécessaire que, d’après l’état qui aura été formé de ceux qui sont dans le besoin, l’on fasse la distinction des pauvres qui peuvent travailler et de ceux qui ne le peuvent pas, afin de pouvoir fixer la partie des fonds du bureau qu’il faudra destiner aux divers genres de soulagement qui doivent être appliqués aux uns et aux autres. Ces deux objets du travail à procurer aux uns, et des secours gratuits à fournir aux autres, présentent la subdivision naturelle de cet article, et nous allons en traiter successivement.

Première partie de l’article III. — Des différents travaux auxquels on peut employer
les pauvres.

§ Ier. Il semble que tous les propriétaires aisés pourraient exercer une charité très-utile, et qui ne leur serait aucunement onéreuse, en prenant ce moment de calamité pour entreprendre dans leurs biens tous les travaux d’amélioration ou même d’embellissement dont ils sont susceptibles. S’ils se chargent d’occuper ainsi une partie tics pauvres compris dans les états, ils diminueront d’autant le fardeau dont les bureaux de charité sont chargés, et il y a lieu de penser qu’on pourrait de cette manière employer un grand nombre des pauvres de la campagne. Les propriétaires, en leur procurant ce secours, n’auraient fait qu’une avance dont ils tireraient un profit réel par l’amélioration de leurs biens.

§ II. Si les travaux que peuvent faire exécuter les particuliers ne suffisent pas pour occuper tous les pauvres, il faut chercher quelques ouvrages publics où l’on puisse employer beaucoup de bras. Les plus simples et les plus faciles à entreprendre partout sont ceux qui consistent à remuer des terres. Le roi ayant bien voulu accorder au soulagement de la province des fonds dont la plus grande partie est destinée, suivant les intentions de M. le contrôleur-général, aux travaux publics, et en particulier aux grands chemins, les entrepreneurs ont reçu ordre en conséquence de doubler le nombre des ouvriers sur les différents ateliers des routes, et ils en ont ouvert ou en ouvriront incessamment plusieurs nouveaux. Mais, outre que ces entrepreneurs, faisant travailler pour leur compte, ne peuvent, sans risque de perdre, employer toutes sortes d’ouvriers, quelque nom-