Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/257

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vaient perdre par cette diminution sur la portion des droits qui leur appartenait. Cette indemnité devait être réglée d’après les produits des années précédentes, et dès lors les jurés-vendeurs, sûrs de toucher le même produit, n’ont aucun intérêt à soutenir les droits du roi. Ils peuvent donc, en livrant le poisson à leurs revendeuses affidées à bas prix, baisser les droits, partager sous main avec ces revendeuses le profit qu’elles font sur le public, et recevoir ainsi un double dédommagement, l’un des revendeuses, l’autre du roi, tandis que le roi perdrait, d’abord par le sacrifice qu’il a fait d’une partie du droit, et ensuite par les estimations à trop bas prix de la marchandise, et que d’un autre côté la pêche serait découragée par la taxation arbitraire de l’estimation au-dessous de la valeur réelle du poisson qu’elle envoie à Paris. J’ai lieu de croire que cette manœuvre s’est pratiquée depuis l’année dernière.

La suppression de la totalité de ces offices avait déjà été prononcée par l’édit du mois de septembre 1759. Un autre édit de 1760, en ratifiant leur suppression, en différa l’exécution jusqu’au 1er janvier 1771, temps où devait commencer leur remboursement, pour finir en 1782. Une déclaration du 5 décembre 1768, enregistrée en lit de justice, a prorogé ce délai ; et le remboursement doit, aux termes de cette loi, commencer au 1er janvier 1777, pour finir en 1788.

Si l’on exécute cette déclaration, Votre Majesté sera privée, l’année prochaine, de près de 4 millions de droits destinés au remboursement de ces offices et de leurs créanciers. Cette considération doit déterminer à faire dès à présent la suppression sur un plan beaucoup moins onéreux, en remboursant seulement en argent ce qui a été fourni au Trésor royal en argent, et donnant des contrats pour ce qui a été fourni en papier. Votre Majesté, devenue maîtresse de ces droits, pourra, par la simplification de la régie, la rendre moins vexatoire, et y gagner de quoi faire un fonds d’amortissement suffisant pour rembourser peu à peu les créances de ces officiers et les contrats qui leur auront été donnés.

4o Suppression des jurandes. — Votre Majesté connaît depuis longtemps ma façon de penser sur les jurandes et communautés de commerce. J’ose lui dire que cette façon dépenser est celle de tous ceux qui ont un peu réfléchi sur la nature du commerce. Je ne crois pas qu’on puisse sérieusement et de bonne foi soutenir que ces corporations, leurs privilèges exclusifs, les barrières qu’elles opposent au