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denrées nécessaires à la subsistance du peuple baissent de prix. Le blé étant aujourd’hui de 20 à 26 livres le setier, et la plus grande partie de bon froment à 24 livres, le peuple devrait avoir d’excellent pain à 2 sous 2 deniers la livre. Il vaut encore 2 sous 9 deniers. Les mêmes obstacles se trouvent sur le prix de la viande, et tant que les communautés de boulangers et de bouchers subsisteront, il sera impossible de vaincre les manœuvres qu’ils emploient pour faire enchérir les denrées au delà de leur véritable prix ; ce n’est que par la concurrence la plus libre qu’on peut se flatter d’y parvenir. Tant que la fourniture des besoins du peuple sera concentrée en un petit nombre de personnes liées par une association exclusive, ces gens-là s’entendront toujours ensemble pour forcer la police à condescendre au surhaussement des prix, en faisant craindre de cesser de fournir.

Il sera nécessaire de prendre des précautions contre cet effet de leur mauvaise volonté au moment du changement. Tout est prévu à cet égard, et Votre Majesté peut s’en rapporter sur ce point à la sagesse et à l’activité de M. Albert[1].

Une circonstance particulière ajoute un motif de plus pour supprimer les communautés dans l’instant même ; c’est la situation où vont se trouver les fabriques anglaises par la cessation du commerce avec les colonies américaines. S’il y a un moment où l’on puisse espérer d’attirer en France beaucoup d’ouvriers anglais, et avec eux une multitude de procédés utiles inconnus dans nos fabriques, c’est celui-ci. L’existence des jurandes fermant la porte à tout ouvrier qui n’a pas passé par de longues épreuves, et en général aux étrangers, ferait perdre au royaume des avantages qu’il peut retirer de cette circonstance unique. Cette considération me paraît avoir beaucoup de poids.

5o Suppression de la caisse de Poissy. — La suppression de la communauté des bouchers, comprise dans celle des jurandes, nécessite celle de la caisse de Poissy.

Cette caisse est d’ailleurs un impôt très-onéreux au peuple de Paris, aux bouchers et aux propriétaires des provinces où l’on engraisse des bestiaux pour l’approvisionnement de Paris. Aussi la suppression en est-elle universellement désirée.

Comme Votre Majesté ne peut pas sacrifier de son revenu, il est

  1. Lieutenant de police depuis l’émeute du 3 mai 1773.