Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/267

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Suite des observations du garde des sceaux. — On pourra m’objecter que si tous les sujets du roi profitent de l’avantage des grandes routes, il est juste qu’ils contribuent tous à la charge de leur confection et de leur entretien.

Mais ne pourrai-je pas répondre qu’en effet ils y contribuent tous proportionnellement, parce que l’imposition pour les ponts et chaussées est plus à la charge des propriétaires que des autres particuliers ?

Réponse de Turgot. — L’imposition pour les ponts et chaussées est la plus petite partie de la charge que supportent les sujets du roi pour la confection des chemins, puisqu’il se fait plus d’ouvrage par corvée qu’il ne s’en fait sur les fonds des ponts et chaussées ; or, c’est de la corvée qu’il s’agit ici.

Mais il n’est pas vrai que même l’imposition pour les ponts et chaussées soit plus à la charge des propriétaires qu’à celle des autres particuliers. Cette imposition fait partie du second brevet qui s’impose conjointement avec la taille. Ainsi les privilégiés, qui possèdent et font valoir une grande partie des terres du royaume, sont exempts de cette contribution.

Suite des observations du garde des sceaux. — Le propriétaire qui fait valoir son bien paye à proportion du produit qu’il en retire. Celui dont le bien est affermé en tire un fermage moins considérable, attendu que le fermier calcule en prenant une ferme, et qu’il met toujours en considération dans le prix de son bail ce qu’il doit payer d’impositions.

Réponse de Turgot. — M. le garde des sceaux paraît persuadé qu’au moyen de ce que le fermier calcule en fixant le prix de son bail les impositions dont il est chargé, le propriétaire, même privilégié, n’a aucun avantage réel sur le taillable. Il s’en faut infiniment que cette opinion soit exacte, et pour le sentir, il ne faut que faire l’énumération des avantages qu’ont les propriétaires privilégiés sur les propriétaires taillables.

1o Les propriétaires ecclésiastiques, gentilshommes, ou jouissant des privilèges de la noblesse, peuvent faire valoir, en exemption de toute imposition taillable, une ferme de quatre charrues qui porte ordinairement, dans les environs de Paris, à peu près 2,000 francs d’impositions. — Premier avantage.

2o Les mêmes privilégiés ne payent absolument rien pour les bois, les prairies, les vignes, les étangs, les terres encloses qui tiennent à leur château, de quelque étendue qu’elles soient, et tout cela sans préjudice du privilège des quatre charrues. Il y a des cantons très-vastes dont la principale production est en prairies ou en vignes ;