Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/268

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alors le noble qui fait régir ses terres s’exempte de toute l’imposition, qui retombe à la charge du taillable. — Second avantage, qui est immense.

Je ne puis me refuser à faire observer que ce privilège donne un très-grand intérêt à mettre en prairies et en vignes une grande quantité de terres qui seraient propres à porter du blé. Le contraste de cette législation, avec les craintes qu’on a que la liberté de commerce des grains ne prive le royaume de subsistance, mérite l’attention du roi.

3o Les nobles ne payent absolument que le vingtième pour les rentes seigneuriales, les dîmes inféodées et tous les profits du fief. Ces objets, qui sont peu de chose dans les environs de Paris, absorbent dans les provinces éloignées une très-grande partie du revenu net des terres. — Troisième avantage des nobles.

4o Dans les provinces où l’on a voulu établir la taille proportionnellement, on a imaginé de partager l’imposition entre le propriétaire taillable et son fermier ou son colon. Dans quelques provinces on a fait payer aux fermiers la moitié de l’imposition mise sur la terre, sous le nom de taille d’exploitation ; l’autre moitié aux propriétaires, sous le nom de taille de propriété ; dans d’autres provinces on a mis la taille d’exploitation aux deux tiers, et la taille de propriété au tiers. Il est arrivé de là que dans ces provinces, les nobles, outre l’exemption dont ils jouissent sur ce qu’ils font valoir par eux-mêmes, jouissent encore de l’exemption de la moitié ou du tiers des impositions sur les terres qu’ils afferment ou qu’ils donnent à loyer. — Quatrième avantage des nobles.

5o Les nobles sont imposés, à la vérité, à la capitation comme les taillables, mais ils ne le sont pas dans la même proportion. La capitation est une imposition arbitraire de sa nature. Il a été impossible de la répartir sur la totalité des citoyens autrement qu’à l’aveugle. On a trouvé plus commode de prendre pour base les rôles des tailles qu’on a trouvés tout faits. La capitation des taillables est devenue une imposition accessoire de la taille, on a fait un rôle particulier pour les nobles ; mais comme les nobles se défendent et comme les taillables n’ont personne qui parle pour eux, il est arrivé que la capitation des nobles s’est réduite à peu près dans les provinces à un objet excessivement modique, tandis que la capitation des taillables est presque égale au principal de la taille. Il est encore ar-