Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/415

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de poisson et de l’Hôpital, et qu’il ne serait perçu aucun droit sur le poisson salé qui y serait consommé pendant la même époque ; et Sa Majesté ayant reconnu que les motifs qui ont déterminé ces suppression et réduction ne pouvaient avoir l’effet qu’elle s’en était promis qu’autant qu’elles seraient définitives, elle s’est d’autant plus volontiers portée à continuer de faire jouir ses sujets desdites suppression et réduction, que la pêche maritime y trouvant un encouragement permanent, cette branche utile d’industrie deviendra plus féconde, et que le peuple de la capitale aura dans tous les temps un moyen de subsistance que l’excès des droits lui rendait difficile. Sa Majesté voulant faire connaître ses intentions sur des objets si dignes de ses soins : ouï le rapport du sieur Turgot, etc. ; le roi étant en son Conseil, a ordonné et ordonne :

Que les droits sur le poisson de mer frais, réduits à moitié par sa déclaration du 8 janvier 1775, depuis le premier jour de carême jusqu’au jour de Pâques exclusivement, ne seront perçus après cette époque et pour l’avenir que sur le pied de la moitié à laquelle ils ont été réduits ; que la suspension des droits sur le poisson salé prononcée par ladite déclaration, pendant le même intervalle, sera définitive, et que lesdits droits seront et demeureront supprimés. N’entendant néanmoins Sa Majesté comprendre, dans les réduction et suppression ci-dessus, les droits de domaine et barrage, qui, n’étant par leur nature susceptibles d’aucune exemption, seront perçus comme ils l’étaient avant ladite déclaration, et même avant l’établissement de ceux dont la perception est supprimée ou réduite[1]. Se réserve Sa Majesté de prendre les mesures convenables pour indemniser le fermier de ses droits, et les officiers jurés-vendeurs de poisson, de la non-perception ordonnée tant par la déclaration du 8 janvier 1775 que par le présent arrêt, etc.


  1. Les droits qu’on appelait de domaine et barrage, étaient des droits domaniaux très-anciennement établis, et devenus d’une fort petite importance par la diminution de la valeur des monnaies. Mais leur qualité domaniale ne permettait pas au roi de les supprimer sans engager une contestation sérieuse avec les parlements et les chambres des comptes, et sans s’exposer à être obligé de déployer une autorité, qu’on aurait appelée arbitraire et subversive des lois dites fondamentales sur l’inaliénabilité du domaine ou des domaines de la couronne. Plusieurs mauvaises institutions étaient ainsi consolidées chez une nation qui n’avait point de corps représentatif, et qui n’y suppléait que par des corporations de magistrats, dont la mission n’était ni bien claire, ni solidement établie, pour se mêler des finances, et que leurs fonctions habituelles accoutumaient à placer leur vertu dans l’exécution stricte de la lettre des lois, sans remontera leurs principes et à leur esprit. (Note de Dupont de Nemours.)