Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/534

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souvent avec bien moins de dépenses qu’on n’en a fait pour les rendre inféconds, ne peut porter que sur des gens fort riches, et dans le cas où il faut fournir aux besoins de l’État, en soulageant néanmoins le peuple, il paraît que les contributions extraordinaires sur les riches, lorsqu’elles auront une base sûre de répartition, seront ce que l’on peut employer de moins mauvais. D’ailleurs, l’homme opulent qui possède un terrain dont il pourrait tirer le revenu nécessaire pour faire subsister une famille de citoyens, et qui met sur ce terrain les avances suffisantes pour produire ce revenu, mais dispose ces avances de manière qu’il n’en résulte qu’une stérile décoration, n’est privé que par sa faute, son goût, sa volonté particulière, de ce revenu. Mais est-ce un titre pour refuser à l’État, à la société, à la sûreté commune, l’impôt proportionnel, le moyen de puissance et de protection que le gouvernement continuera d’employer à lui conserver la propriété du terrain même qui aurait produit ce revenu, et dont il aime mieux jouir d’une autre manière ? — Laisser en un tel cas ce terrain soumis à une contribution égale à celle qu’aurait payée le revenu qu’il ne tenait qu’au propriétaire de se procurer, et lui accorder en même temps la voix qui aurait été attachée à ce revenu, c’est à la fois montrer à l’exercice du droit de propriété tout le respect qui lui est dû, et en marquer les justes bornes. Aucune société politique ne peut subsister qu’au moyen d’une portion réservée pour les besoins publics dans les revenus des terres. Toute société peut donc dire à chacun de ses citoyens : « Dispose de ta part à ton gré ; acquitte celle de l’association commune que tu dois maintenir, puisqu’elle te protège. »

Je ne m’arrêterai point à observer que les rentes foncières, les champarts et les dîmes seigneuriales ou ecclésiastiques étant des revenus de biens-fonds, devront donner voix à raison de leur produit comme les terres mêmes qui payent ces rentes ou ces redevances, et dont il faudra les défalquer pour savoir sur quel pied les possesseurs du sol auront le droit de vote.

Mais il peut n’être pas inutile de répéter, lorsqu’il s’agit de l’admission des grands propriétaires ou de leurs procureurs aux assemblées municipales des paroisses, que chacun d’eux n’y votera qu’en raison du bien qu’il aura dans cette même paroisse, tellement que, si le possesseur de 100,000 livres de rente se trouve avoir seulement 50 écus de revenu provenant du territoire d’une certaine