Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/537

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d’autres, ces officiers sont à terme ; dans d’autres, à vie ; dans d’autres même, héréditaires. Il n’y a d’uniforme qu’un esprit réglementaire tiré de la constitution des cités grecques et romaines, qu’on a, tant bien que mal, voulu imiter quand les villes en France sont sorties des mains des seigneurs, et ont commencé à jouir de quelques franchises, de quelques privilèges. Cet esprit tend à bien isoler chaque ville du reste de l’État ; à en faire une petite république bien séparée, bien occupée de son intérêt le plus souvent mal entendu ; bien disposée à y sacrifier les campagnes et les villages de son arrondissement ; bien tyrannique enfin pour ses voisins, et bien gênante pour le commerce et les travaux qui s’exercent dans ses murs.

Vous avez plusieurs fois été obligé, sire, de réprimer cette manie constamment usurpatrice, minutieusement despotique, qui caractérise les villes, à laquelle leur administration présente est liée, et dont elle regarde le maintien comme une de ses plus importantes fonctions. — Votre Majesté sent la nécessité d’anéantir un tel germe perpétuel d’animosité et d’exclusion qui sépare chaque ville des autres villes, et toutes de la campagne dont elles sont environnées, et d’y faire succéder une disposition générale à l’union, à la paix, aux secours réciproques. Ce serait une raison pour réformer toutes les municipalités actuelles des villes, quand même on n’établirait pas celles des villages. Mais j’ose vous conseiller de regarder ces deux mesures comme n’étant que des branches d’une seule et même opération. — C’est en embrassant tous les objets qui sont directement relatifs les uns aux autres, et les menant de front d’après des principes uniformes qui annoncent un grand plan, que Votre Majesté en imposera aux opinions, les maîtrisera, et fera respecter la hauteur et la bienfaisance de ses vues par son peuple et par les nations étrangères.

Le premier principe de la municipalité pour les villes est le même que pour les campagnes. C’est que personne ne se mêle que de ce qui l’intéresse, et de l’administration de sa propriété. Les campagnes sont composées de terres rapportant un revenu, et il n’y a de gens qui tiennent solidement aux communes villageoises que ceux qui possèdent ces terres. Les villes sont composées de maisons. Les seules choses qu’on ne puisse pas en emporter sont les maisons et le terrain sur lequel elles sont bâties. Si la ville prospère et se peu-