Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/558

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constitution même elles éclaireraient sur la répartition des impôts et sur les besoins particuliers de chaque lieu ; mais elles n’auraient nulle autorité pour s’opposer aux opérations indispensables et courageuses que la réforme de vos finances exige.

Elles auraient tous les avantages des assemblées d’États et n’auraient aucun de leurs inconvénients, ni la confusion, ni les intrigues, ni l’esprit de corps, ni les animosités et les préjugés d’ordre à ordre.

Ne donnant ni lieu ni prise à ce qu’il y a de fâcheux dans ces divisions d’ordres, n’y laissant que ce qu’il peut y avoir d’honorifique pour les familles illustres ou pour les emplois respectables, et classant les citoyens en raison de l’utilité réelle dont ils peuvent être à l’État, et de la place qu’ils occupent indélébilement sur le sol par leurs propriétés, elles conduiraient à ne faire de la nation qu’un seul corps, perpétuellement animé par un seul objet, la conservation des droits de chacun et le bien public.

Elles accoutumeraient la noblesse et le clergé au remplacement des impositions dont ils ne sont pas exempts aujourd’hui, et à un remplacement dont la charge serait moins lourde que celles qui retombent sur le revenu de leurs biens. Elles donneraient pour ce remplacement des règles de répartition équitables et sûres.

Par les lumières et la justice qu’elles apporteraient dans la répartition, elles rendraient l’impôt moins onéreux au peuple, quoique sa recette fût augmentée. — Elles fourniraient par l’amélioration de cette recette les moyens de soulager les dernières classes, de supprimer par degrés les impositions spéciales au tiers-état, et même à la noblesse, d’établir une seule contribution uniforme pour tous les revenus.

Alors peut-être deviendrait-il possible d’exécuter ce qui a paru chimérique jusqu’à présent, de mettre l’État dans une société complète, proportionnelle et visible d’intérêt avec tous les propriétaires : tellement que le revenu public ordinaire, étant une portion déterminée des revenus particuliers, s’accrût avec eux par les soins d’une bonne administration, ou diminuât comme eux si le royaume devenait mal gouverné.

Mais il serait très-difficile qu’il le fût. Le gouvernement ne serait plus surchargé de détails. Il pourrait se livrer aux grandes vues d’une sage législation. Toutes les affaires intérieures relatives aux contributions, aux travaux publics, aux secours réciproques, à la charité