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VII. ORDONNANCE

QUI ENJOINT AUX PROPRIÉTAIRES DE DOMAINES DE POURVOIR À LA SUBSISTANCE DE LEURS MÉTAYERS OU COLONS[1]. (28 février 1770.)


DE PAR LE ROI. Anne-Robert-Jacques Turgot, etc.

Sur ce qui nous a été représenté par les bureaux de charité, déjà établis dans différentes paroisses de cette généralité pour subvenir aux besoins des pauvres, que plusieurs propriétaires de fonds ont été engagés, par la modicité de leurs récoltes et par la cherté actuelle des grains, à renvoyer une partie de leurs métayers ou colons, ne voulant pas suppléer à l’insuffisance de la portion desdits métayers dans la dernière récolte, et fournir à leur subsistance dans le cours d’une année aussi malheureuse ; — Que ces métayers et colons, ainsi abandonnés par leurs maîtres et dénués de toute ressource, sont réduits, eux et leur famille, à la plus grande misère, et contraints à quitter le pays, abandonnant leurs femmes et leurs enfants à vivre de charités, ce qui augmente à l’excès la charge des habitants obligés de se cotiser pour subvenir à la nourriture des pauvres déjà trop nombreux ; — Que la réclamation desdits habitants contre cette surcharge est d’autant plus juste, que, conformément à nos instructions et aux règles par nous prescrites sur la répartition des contributions pour le soulagement des pauvres, les propriétaires des biens-fonds n’ont été taxés qu’à la moitié de ce que supportent les propriétaires de rentes et de dîmes, et ce en considération de ce que ceux-ci n’ont point de colons dont la nourriture soit à leur charge ; — Que lesdits propriétaires de biens-fonds partageant avec tous les citoyens aisés l’obligation qu’imposent la religion et l’humanité de soulager les pauvres, cette obligation devient plus stricte encore, et semble appartenir plutôt à la justice qu’à la charité, lorsqu’il s’agit d’un genre de pauvres avec lesquels ils sont liés par des rapports plus particuliers fondés sur les services mêmes qu’ils

  1. Le danger prévu par M. Turgot, dans son Avis sur la taille de 1770, que les propriétaires n’abandonnassent leurs métayers, se réalisa.

    Il fallut en contraindre plusieurs à remplir le devoir que la nature et le bon sens imposent à tout propriétaire de nourrir ceux qui le nourrissent, et de ne pas laisser détruire la manufacture de ses propres richesses. — De là, l’ordonnance dont nous transcrivons ici le texte. (Note de Dupont de Nemours.)