Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/581

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commencement de son règne, il y a entre la recette et la dépense une différence de 20 millions, dont la dépense excède. À la vérité, dans la dépense sont compris les remboursements assignés, mais auxquels le roi ne peut manquer sans altérer la foi publique et le crédit. Il n’y a que trois moyens de remplir ce déficit : une augmentation d’impôts, une banqueroute plus ou moins forte, plus ou moins déguisée, et une économie considérable, soit dans les dépenses, soit dans les frais de perception.

La bonté du roi, sa justice, le soin de sa gloire, lui ont fait, dès le premier moment, rejeter le moyen de la banqueroute, en tout temps, et celui d’une augmentation d’impôts pendant la paix. La voie de l’économie est possible ; il ne faut pour cela qu’une volonté ferme. La première économie doit être celle des dépenses, parce qu’elle seule peut fonder la confiance du public, et parce que la confiance du public est nécessaire pour trouver à gagner dans la partie des finances, en remboursant des engagements trop onéreux, ce qui ne se peut faire qu’en empruntant à des deniers plus avantageux.

En même temps que le roi a trouvé ses finances obérées et en désordre, il a trouvé son militaire et sa marine dans un état de faiblesse qu’on aurait eu peine à imaginer. Pour les rétablir et rendre à la France le degré de force et de considération qu’elle doit avoir, il faut que le roi dépense lorsque l’état de ses finances lui prescrit d’épargner.

Notre état néanmoins n’est pas tellement désespéré, que, s’il fallait absolument soutenir une guerre, on ne trouvât des ressources, si c’était avec une probabilité de succès décidés, qui pussent en abréger la durée. Mais au moins faut-il avouer qu’on doit l’éviter comme le plus grand des malheurs, puisqu’elle rendrait impossible pour bien longtemps, et peut-être pour toujours, une réforme absolument nécessaire à la prospérité de l’État et au soulagement des peuples. En faisant un usage prématuré de nos forces, nous risquerions d’éterniser notre faiblesse.

Une troisième raison doit décider contre le projet d’attaquer l’Angleterre, c’est la très-grande probabilité que cette attaque deviendrait le signal de la réconciliation entre la métropole et les colonies, et précipiterait le danger que nous voulons éviter.

D’un côté, le ministère anglais, même en restant tel qu’il est,