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Lettre X. — Au même. (À Limoges, le 5 avril 1771.)

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Je suis fort aise que vous ayez été content de Didon ; voilà l’ouvrage poussé à peu près à cinq cents vers sur sept cents ; mais, comme on dit, la queue est ce qu’il y a de plus difficile à écorcher, et il est à souhaiter qu’elle ne soit point en effet écorchée. À propos de Didon, l’abbé de L’Aage a pris son parti de faire encore une tentative auprès du patriarche de Ferney, pour avoir, s’il est possible, le jugement définitif de cette oreille superbe. Voyez ci-après la lettre qu’il écrit, et que vous pourrez faire contresigner chez M. Trudaine ou chez M. de Malesherbes. Il vaut mieux, je crois, faire adresser la réponse à Gênes ; cela mettra plus de vraisemblance dans toute l’histoire, et vous préviendrez facilement le directeur de la poste de Gênes, par lequel vous pourrez aussi faire passer les répliques, qu’il pourra cacheter de son cachet.

Je n’ai point fait vos compliments à Cornuau, qui n’est point ici, et qui ne se doute pas des démarches que j’ai faites pour lui ; il ne les apprendra qu’en apprenant le succès, dont, par malheur, je ne suis nullement sûr.

Voici encore une lettre du prieur de Saint-Gérald. Adieu, mon cher Caillard : je vous souhaite une bonne santé et toutes sortes de satisfactions. Vous ferez mes compliments à MM. de B…[1] et Melon[2]. Je vous laisse le maître de prendre un exemplaire de la Formation des richesses pour le P. Venini.

Copie de la nouvelle lettre de l’abbé de L’Aage à Voltaire, relatée dans la précédente.
(À Paris, le … avril 1771.)

Il y a, monsieur, quelques mois que je suis arrivé à Paris, ainsi que je vous l’annonçais par la lettre que j’ai eu l’honneur de vous écrire de Gênes le …… 1770. Ne trouvant point ici de réponse à cette lettre, ma première idée a été que mon travail ne méritait pas que vous employassiez à l’examiner une seconde fois un temps aussi précieux que le vôtre. Mon amour-propre s’était soumis, non sans regret, à la rigueur de ce jugement ; je m’étais résolu à ne vous plus importuner, et à ne regarder les choses flatteuses que contenait votre lettre du 19 juin dernier, que comme l’effet d’une extrême politesse.

Pardonnez, monsieur, si, par un retour de cet amour-propre, je renonce avec peine à l’idée que mon travail a pu mériter d’être loué par un grand homme ; mais, en lisant dernièrement dans un ouvrage périodique que vous ne receviez aucune lettre qui ne fût cachetée d’un cachet connu, je me suis rappelé que ma lettre de Gênes était cachetée d’une simple tête, et j’ai imaginé que peut-être vous ne l’aviez point retirée de la poste. En ce cas, j’aurais eu à vos yeux le tort de ne vous avoir point témoigné ma reconnaissance de l’attention que vous avez daigné donner à mon travail sur Virgile. J’en ai cependant senti le prix bien vivement, et peut-être avais-je trop senti celui de vos éloges. Mais quel homme n’en serait pas enivré, s’il était sûr de ne pas les devoir uniquement à votre indulgence ?

Trouvez bon, je vous prie, qu’en vous réitérant mes remerciements, je vous répète une partie de ce que je vous écrivais de Gênes. J’osais me plaindre de ce qu’en me louant, vous n’aviez pas eu la bonté de m’éclairer sur l’objet

  1. Selon toute apparence de Boisgelin, dont M. Gaillard était le secrétaire.
  2. Le fils de l’auteur de l’Essai politique sur le commerce.