Page:Un ancien diplomate.- L'esclavage en Afrique, 1890.djvu/165

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« On les interrogea longuement, puis tous furent livrés au bourreau et Ahmadou. supposant que ce spectacle pouvait m’intéresser, envoya un Talibé me prévenir afin que je puisse y assister. Mais je ne me sentais pas le cœur d’être témoin d’une pareille exécution. Les scènes sanglantes de la veille, déjà trop nombreuses, m’avaient agité ; le soir seulement, voulant me rendre compte du nombre des morts, je passai près de ce champ de suppliciés. On les y avait conduits tous bien serrés par la foule et tenus simplement par les bras. Au milieu du cercle se tenait le bourreau qui avait commencé à abattre les têtes au hasard, sans ordre, comme elles passaient à portée de son bras ; quelques-unes n’étaient pas détachées du tronc, et, chose curieuse, elles avaient presque toutes le sourire aux lèvres. Les yeux qui n’étaient pas fermés, avaient dans leur immobilité une expression indéfinissable et grosse de méditations. Faut-il donc croire qu’au seuil d’une autre vie ces victimes de la barbarie musulmane, ces martyrs inconscients d’un patriotisme d’instinct ont eu, au moment de leur cruel supplice, une apparition, qu’une lueur immense s’est produite dans leur intelligence et qu’un horizon nouveau s’est étendu devant leurs yeux. Cette pensée m’obséda