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n’en sont même pas pour lui. Les joies si fugitives du joueur peuvent coûter l’honneur et la ruine des familles et conduire, par la pente la plus douce, un cœur né honnête aux plus profonds calculs de l’improbité et du crime.

Je fus souvent le voisin, pendant mes séances de jeu, d’un jeune homme de bonne famille, d’une figure très-agréable, bien élevé. Il jouait une marche qui fut longtemps heureuse, la montante et la descendante. Rencontrant récemment une femme qui avait été de ses amies, je lui demandai des nouvelles de mon camarade de jeu : cette femme pâlit ; des larmes roulèrent dans ses yeux ; elle se pencha à mon oreille pour me dire : Il a été pendu à Londres pour faux.

Les jeux publics étaient autorisés avant 89.

Le 21 messidor an VII, le bureau central du canton de Paris prohiba les maisons de jeu, pour cause d’immoralité.

Fouché, sous le consulat, accorda sans adjudication à un certain Perrin, qu’on appela bientôt Perrin des jeux, l’autorisation de donner à jouer ; il lui prescrivit surtout de créer un cercle des étranger.

Cette autorisation d’ouvrir des jeux publics ne fut pourtant pas gratuite. J’ai entendu dire à Bénazet, qui fut fermier des jeux sous la restauration, que Perrin remettait tous les matins cinquante louis à Fouché sans reçu. Fouché faisait payer aussi de temps en temps sur la caisse des jeux de Perrin des bons de police de dix ou vingt mille francs.

Le Cercle des Etrangers, situé alors dans l’ancien hôtel