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Aguado, rue Grange-Batelière, comptait trois présidents. C’étaient MM. le marquis de Tilly-Blaru, le comte Esprit , de Castellane et le marquis de Livry ; ils touchaient chacun cinquante mille francs comme traitement annuel. On n’y jouait que le trente et un et le creps. Les mises n’étaient pas limitées. On y soupait tous les soirs ; des femmes à la mode, Clotilde de l’Opéra, étaient admises à ces soupers. On dinait trois fois par semaine à ce cercle. Le prince de Talleyrand et son ami Montrond y jouaient très-gros jeu.

Le Cercle des Etrangers donnait assez souvent des bals masqués, on les appelait les bals Livry. Sous le directoire, sous le consulat, les bals masqués firent fureur. La baronne Hamelin, madame Tallien, toutes les femmes distinguées de la société étaient invitées à ces bals. Sous le consulat et dans les premiers jours de l’empire, Napoléon y vint plusieurs fois passer quelques instants, donnant le bras à Duroc et masqués tous deux.

Les présidents du Cercle des Etrangers ne permettaient guère à Perrin de s’y montrer.

Si j’en crois tous les contemporains du directoire et du consulat, rien ne peut donner une idée des plaisirs, de l’éclat et de l’ivresse de cette époque de renaissance. Le premier consul voulut un jour faire fermer les jeux ; mais Fouché déclara à Bonaparte que les jeux étaient ses meilleurs moyens et ses plus grosses ressources de police ; les jeux publics furent maintenus. Un certain Bernard succéda à Perrin, puis à Bernard succédèrent Boursault et Bénazet. La ferme des jeux fut plus tard mise en adjudication. Les trois fermiers des jeux qui se succédèrent sous