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DE LA MÉDECINE AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.


Après avoir reproduit quelques traits des médecins, des chirurgiens dont le nom vivra, j’ai encore à consigner ici quelques observations sur les maladies et sur les malades, sur la médecine et sur les médecins.

L’orgueil de l’homme se refuse obstinément à penser qu’il porte en lui le germe de maladies, et que si bien organisé pour vivre, il soit aussi bien organisé pour mourir.

« L’enfant souffre de même qu’il meurt, dit Joseph de Maistre ; il appartient à une race qui doit souffrir parce qu’elle a été dégradée dans son principe, et qu’en vertu de la triste loi qui en a découlé, tout homme, parce qu’il est homme, est sujet à tous les maux qui peuvent affliger l’homme. Tout nous ramène donc à cette grande vérité, que tout mal, ou, pour parler plus clairement, toute douleur est un supplice imposé pour quelque crime actuel ou originel[1]. »

J’ai dans ma vie interrogé beaucoup de malades ; quand il s’agit de maladies externes, ils vous disent tous : « J’ai fait une chute, j’ai reçu un coup, j’ai subi des fatigues, un vêtement m’a gêné, et voilà la cause de mon mal. » S’agit-il de maladies internes, ils vous disent : « J’ai eu chaud, j’ai eu froid ; j’ai trop mangé ; tel aliment m’a causé une irritation. » Pour chaque maladie, le malade a son roman.

Je pense toutefois que le malade, consultant son médecin, a le droit de lui parler longuement de soi ; le mé-

  1. Œuvres posthumes de Joseph de Maistre. Ier vol., 3e entretien.