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— je connais ces demoiselles. L’aînée fait jouer des pièces ravissantes aux élèves de l’Oratoire. J’y ai été priée plusieurs fois. Le sujet pris dans l’histoire est toujours gai, spirituel, d’attrayant exemple. Les invitations sont très recherchées, le directeur du journal de Maine-et-Loire, qui s’y entend, raconte que cette excellente écrivaine a un talent propre à fleurir sur les grandes scènes de nos théâtres.

Il paraît que lorsqu’elle était à Saint-Denis, la supérieure rénovait avec ses comédies les anciens errements de Saint-Cyr au temps de Madame de Maintenon.

— Difficile comparaison. Tante Nic, entre Racine et Mlle Agathe.

— Le genre diffère évidemment, Agathe ne se lance pas « Dans l’horreur d’une profonde nuit ». Elle a le sens comique, elle ajoute des chansons drôles, des situations où tous les assistants rient, je me souviens d’un couplet dont elle avait aussi écrit la musique. C’était une innocente satyre à l’adresse d’une personne importante qu’on devinait.

— Chante-îe moi, tante Nic, tu as gardé ta voix si douce, tu détaillais si bien : « Mourir pour la Patrie, etc.. »

— Ma voix n’a plus guère de souffle mais je m’amuse toujours quand je tricote seule sous les treilles, à répéter les anciens refrains, sauf les oiseaux, nul ne m’entends.

— Dis-moi la ritournelle de Mlle Agathe...

— Allons-y donc, l’air était tellement bien ajusté qu’on le répète encore au couvent.

« Vous direz peut-être que ie suis bête,
Comme ça de me vanter,
Suis-je cause si vous êtes trop bête
Pour savoir me juger.
Non, non, non, je ne suis pas bête
Je dis en vérité,
Messieurs, que si l'on me dit bête
L’on dit une fausseté ».

Et on répétait cela comme une scie, la pauvre comtesse de Clignancourt, dont on avait fait : Décline en cour, en riait aux larmes.

Azor s’était mis à accompagner la chanteuse de sa grosse voix, elle remarqua : « Ce chien pourrait s’approprier mes paroles.

— Oui, car il est le olus intelligent des chiens. Azor, fils de Zohra, que je recueillis tout petit et élevai au biberon.

— Et il a prospéré.

— Il est tombé en bonne terre ici. Son frère humain Abdel-Kader, fils de Zohra lui aussi.

— Comment ! lui aussi ? exclama la tante.