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VII

UNE AME S'ENVOLE

Nicole ne s’ennuyait pas sur la terre et pourtant elle dût la quitter, peu après avoir connu le bonheur d’avoir reconquis son enfant chéri. Un matin, Denise ne la voyant pas descendre pour aller à la messe, alla voir pourquoi ce manquement si rare aux habitudes de sa chère maîtresse. Elle la trouva endormie pour toujours. Son visage caime, ses yeux clos, ses mains jointes sur le drap, comme si elle avait voulu prendre la pose des voyageurs pour l’éternité, montraient une sérénité confiante.

La servante éperdue embrassa la joue froide et courut appeler le maître encore endormi et Nanelte qui préparait le café.

La douleur de René fut profonde, Nicole avait remplacé sa mère, lui avait gardé son foyer, c’était vers elle que toute sa vie sa pensée s’envolait dans la joie et dans l’inquiétude : Tante Nic !

O mon Dieu ! pourquoi retirer de la terre des êtres qui n’ont jamais accompli que le bien, tenu une place exemplaire, se sont oubliés, privés pour les autres. Des âmes d’élite, des esprits de lumière. Toutes les joies qu’avait connues tante Nic, en ce monde, avaient eu pour but un dévouement, un sacrifice de soi, un travail pour ses semblables.

Elle donnait tout ce qu’elle pouvait, si bien que ses deux fidèles servantes prenaient la clef de l’armoire aux provisions pour être sûres de retrouver le nécessaire, il arrivait quelquefois, au moment de se mettre à table, qu’un malheureux vint demander à manger. Tante Nic, coupait à même le rôti, donnait la grosse part et pour ne pas priver ses servantes, elle se contentait de salade et de légumes. Elle était « Dame de Charité » de sa paroisse, chaque semaine elle allait visiter le quartier confié à ses soins. La plupart du temps, elle revenait dépouillée, c’étaient le gilet de laine, le jupon de dessous, le fichu de cou qui avaient disparu, ce qui la faisait gronder très fort par ses domestiques. Une fois elle rentra pieds nus dans ses souliers. Aussi le départ de Mlle Nicole fit-il verser bien des larmes. La foule suivait le char blanc qui conduisait la sainte fille au cimetière. La confrérie des « Enfants de Marie » dont étaient Nanette et Denise tout en pleurs, cierge en mains, l’escortait. Son neveu suivait entouré de ses proches parents : Frédéric Lamotte, Martin Descrimes, en uniforme de commandant d’artillerie, Camille et