Page:Vadé - Œuvres de Vadé, précédées d'une notice sur la vie et les oeuvres de Vadé - 1875.djvu/116

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rer sa maîtresse qu’il l’aimait avec passion ; elle craignait de son côté qu’il ne doutât de la sienne ; de sorte que l’envie de l’un et la crainte de l’autre les conduisirent fort loin sans sortir de la chambre. Babet, après être revenue du voyage, se mit à pleurer, c’est l’usage ; il la consola de la même manière qu’il l’avait affligée, c’est la règle.

Les moments que l’on passe avec ce que l’on aime sont aussi doux qu’ils coulent rapidement. La nuit s’avançait sans qu’ils s’en aperçussent (les amants heureux ne prennent garde à rien) : il fallut se quitter moitié par économie, moitié pour ne pas être surpris par M. Honoré, qui arriva un instant après leur séparation. La nièce sauta au col de son oncle ; il attribua ces caresses au plaisir qu’elle avait de le revoir sitôt, et il allait lui rendre cinq ou six embrassades, lorsqu’un garçon boulanger mécontent des rigueurs de Babet monta, et tirant à part M. Honoré, le mit au fait de la fragilité de mademoiselle Casuel. « — Oui, monsieur, ajouta-t-il, j’ai vu par le trou de la serrure le téméraire baigneur lui manquer trois ou quatre fois de respect. » Le vieux juré, furieux, appelle de toutes ses forces l’heureux Félix qui, ne se doutant de rien, se présente d’un air caressant ; M. Honoré et son garçon le saisissant au collet, le chargent de coups et d’invectives, et le traînent impitoyablement en bas. La craintive Babet arrive toute éplorée, demande grâce ; on la soufflette ; elle crie à l’aide, au secours, au feu… Elle avait raison, car son amant était pour lors dans le four ; et, sans l’activité des voisins qui le retirèrent, il était cuit ; heureusement il en fut quitte pour ne l’être qu’un peu.

Comme on l’avait enfourné la tête devant, le feu ne lui avait point endommagé les pieds ; il y parut bien par l’usage