Page:Vadé - Œuvres de Vadé, précédées d'une notice sur la vie et les oeuvres de Vadé - 1875.djvu/119

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reux qu’il médicamentait, il s’en trouva un entiché de cette âcreté d’humeur qui, s’épanchant en forme de petits grenats sur les mains et entre les doigts, cause un joli chatouillement qui invite à se gratter avec une cuisante volupté. Le présomptueux Esculape entreprit de le tirer d’affaire ; mais soit que le mal fût contagieux, ou soit que sainte Reine à qui ces sortes de cures appartiennent voulût le punir d’aller sur ses brisées, loin de guérir son malade, Félix gagna lui-même la gale. Jamais gale ne fut plus déplacée, d’autant qu’il était obligé par état d’avoir les mains propres. Désespéré de cet accident, il s’avisa de mettre des gants et de savonner ainsi les visages ; on le trouva fort mauvais ; il eut beau protester que c’était depuis peu la mode à Paris, on l’envoya au diable, et on persista si fort à vouloir être rasé à la manière de Pontoise, c’est-à-dire les mains nues, que Félix ne pouvant s’y résoudre perdit ses pratiques, et passa encore pour un homme entêté.

Privé des ressources manuelles, et sa dernière opération manquée lui ayant fait perdre la confiance publique ; d’ailleurs dévoré par son amour qui le touchait plus que tout le reste, il s’engagea, et à tout hasard écrivit à sa chère Babet le dernier parti qu’il venait de prendre. Elle était de retour de Dieppe, et avait été plongée sept fois dans l’onde salée avec succès ; mais si la mer guérit de la rage, elle ne peut rien sur celle de l’amour ; rien n’avait éteint l’ardeur de la constante Babet ; elle était plongée journellement dans les plus sombres réflexions ; elle était prête à exécuter tout ce que le dégoût de la vie peut conseiller, lorsque son oncle vint lui faire la lecture de la lettre de Félix, qu’il avait interceptée ; et prenant de là occasion de lui faire de belles, longues et pieuses remontrances qu’elle écouta comme